Les architectes ont estimé que la promulgation en juin des textes d'application de la loi 08-15 datant du 20 juillet 2008, portant sur la mise en conformité et le parachèvement des constructions, reste insuffisante pour régler le problème. Ces textes comptent, selon eux, beaucoup de lacunes et ne prennent pas en charge la régularisation de tous les cas posés. Lors d'une rencontre sur «la politique de rénovation urbanistique et les implications de la loi sur les régularisations des constructions inachevées», organisée hier par le forum d'El Moudjahid, les architectes ont dénoncé le contenu de la loi et affirmé qu'ils ne sont pas prêts à assumer la responsabilité des conséquences qui vont découler de la mise en application de cette loi. «Les architectes n'ont pas été associés à l'élaboration de cette loi, ce qui a été à l'origine de beaucoup de lacunes. Les architectes refusent d'être confrontés à des problèmes et d'assumer les conséquences des décisions qu'ils n'ont pas prises. Nous estimons que ces textes sont incomplets et nous demandons plus d'éclaircissement sur le sujet», a affirmé Mme Aïcha Ouadeh, secrétaire nationale de l'Ordre des architectes. La conférencière dira que «son organisation n'est pas prête à accepter que des architectes soient impliqués dans des affaires dont ils ignorent le contenu et les aboutissements». «Nous n'assumons pas la responsabilité» Mme Ouadeh estime que les constructions illicites ne concernent pas uniquement les individus mais elles impliquent les bâtisses des pouvoirs publics. Elle dira que «la régularisation ne peut pas concerner uniquement la bâtisse mais implique le foncier aussi». Dans le même contexte, le président du collège des architectes, M. Boudaoud, a indiqué que l'administration doit négocier ce virage avec les architectes avant la prise d'une quelconque décision. «Ce sont eux qui font l'étude pour la réalisation des constructions. Beaucoup d'études ont été faites avant la réalisation de ces bâtisses jugées aujourd'hui illicites. Pourquoi elles n'ont pas été prises en considération ?», s'est-il interrogé. L'application de ces nouvelles lois est, selon M. Boudaoud, une occasion pour élaborer la cartographie des bâtisses inachevées et du foncier aussi, avant de passer à autre chose. M. Chelghoum, président du club des risques majeurs, a annoncé le chiffre de 1200 million de constructions non achevées publiques et privées. «Cette loi est incomplète dans la mesure où elle met dans le même panier les constructions de types confondus», a-t-il indiqué. Il ira encore plus loin en affirmant que ce type de loi constitue un piège pour les pouvoirs publics. «La loi n'a pas pris en compte toutes les constructions dites illicites, elle n'a pas évoqué, par exemple, les constructions bâties dans les zones à risques et sur les lits d'oued», a-t-il indiqué, en soulignant que les architectes ont pour mission d'alerter sur les dangers pour éviter les erreurs commises par le passé. La régularisation n'est pas générale Sur l'aspect juridique, Mohamed Himour, représentant des Domaines, a affirmé que la régularisation des constructions n'est pas une procédure simple qui peut être appliquée à tous les types de construction. «Les constructions réalisées sur un terrain forestier ou agricole ne peuvent pas être régularisées dans le cadre de ce dispositif. C'est la même chose concernant celles bâties sur un domaine privé de l'Etat où la régularisation ne peut se faire qu'après la procédure complexe de la reclassification du terrain», a-t-il expliqué. Illustrant le cas de la cité El Hamiz, M. Boudaoud a qualifié cette cité de «musée». «Ce quartier reflète l'image typique des décisions administratives et non des erreurs techniques des architectes, qui, pourtant, tiennent compte des dispositions de la loi. Pourquoi alors a-t-on autorisé la construction d'une telle anarchie ?», a-t-il indiqué. M. Laâdjouz, du conseil de l'ordre local, a été catégorique : «Notre mission n'est pas de démolir. Nous n'avons pas construit El Hamiz qui est l'exemple typique de l'architecture anarchique. Sa démolition ou sa régularisation ne relève pas de nos prérogatives et nous sommes incapables de résoudre ce problème très complexe.» Il y a toute une réorganisation qu'il faut mettre en place dans ce quartier de façon à le rendre vivable. «L'architecte ne peut pas récupérer le retard accusé durant 20 ans. Tout ce que nous demandons, c'est d'être associés dans les décisions prises et qu'on nous laisse faire notre métier», a-t-il indiqué.