A Alger, comme d'habitude, plusieurs familles ont sollicité hier matin les bouchers pour le dépeçage du mouton sacrifié vendredi matin. Le service est facturé jusqu'à 1000 DA pour une découpe complète. A première vue, le constat paraît paradoxal : dans la capitale, ce sont les bouchers qui travaillent le plus au deuxième jour de l'Aïd, alors que les cafés, les boulangers ou les restaurants sont plutôt rares à ouvrir leurs portes. Vendredi, la communauté musulmane a célébré dans la joie le rite du Prophète Abraham, à savoir le sacrifice d'un mouton. Mais pourquoi des centaines de famille qui ont accompli ce rite - disposant donc de suffisamment de viande - ont fait appel aux bons services des bouchers ? La réponse est toute indiquée : le dépeçage du mouton sacrifié. Hier, la plupart des boucheries de la ville fonctionnaient à plein régime. Du moins c'est le cas au chef-lieu d'El Biar. De bon matin, plusieurs personnes faisaient la chaîne devant les boutiques, espérant passer en premier en prévision des visites entre familles prévues dans la journée. A 10h30, les quatre jeunes bouchers qui s'occupaient du dépeçage au Bon accueil paraissaient déjà essoufflés mais mettaient toujours du cœur à l'ouvrage dans le but d'en finir le plus vite possible. Le Bon accueil se trouve en bordure de rue dans le quartier Chevalley, sur la route donnant sur le centre-ville d'El Biar. «Nous avons commencé à travailler juste après la prière d'el fedjr», explique le gérant. Il était presque 11h et il restait encore quelques citoyens à servir. Des citoyens qui étaient là parce que «les temps ont changé», pour reprendre l'expression de l'un deux. Les raisons de cette sollicitation sont connues : exiguïté dans les bâtiments et les appartements, manque de moyens personnels de dépeçage, manque d'expérience et la volonté de se décharger de ce fardeau qui demande du temps et de l'effort, font que les gens se rapprochent à chaque aïd de leur boucher. Mis à part la chaîne de clients qu'il faut suivre, l'opération proprement dite prend dix minutes au maximum. Autour d'une grosse table en bois usé à force d'être utilisée, les quatre bouchers du Bon accueil attaquent sans attendre la carcasse. A l'aide d'une grosse hache, ils découpent d'abord les épaules du mouton. Ensuite, ils sectionnent le cou avec une scie et coupent le reste en deux en utilisant une autre hache. Juste après, intervient la répartition des tâches : au moment où un jeune dépèce les gigots en utilisant de gros et petits couteaux, un autre retravaille les deux parties du tronc alors que le troisième découpe les gros quartiers en menus morceaux. Le quatrième, quant à lui, s'arrange pour placer la viande dans des sachets noirs ou du papier. A le voir à la tâche, on s'aperçoit que la viande est répartie suivant les parties du mouton. La découpe se fait selon les désirs du client. En fait, c'est à lui que revient le rôle de décider de la façon dont le dépeçage se fera : il y a des personnes qui demandent un découpage partiel (dépecer le mouton en gros quartiers) et d'autres qui exigent une division plus élaborée. Bien entendu, chaque exigence à son prix. Découper totalement un mouton en petits morceaux a coûté cette année jusqu'à 1000 DA la pièce alors qu'une division partielle est revenue, ici, à Chevalley, à 500 DA (600 DA dans d'autres endroits). Les prix ne sont pas figés, comme le dit le gérant du Bon accueil. Selon lui, la boucherie a servi même les demandeurs qui n'avaient pas de quoi payer. Mais la priorité en cela au Bon accueil est allée aux clients qui ont l'habitude de s'y approvisionner en viande avant les autres acheteurs. Cela se comprend : le client est roi.