Cette fois le gouvernement socialiste espagnol et son meilleur allié au Maghreb et dans le monde arabe,le régime marocain – alliance par nécessité plus que par conviction – ont trop comploté. C´est une évidence que le gouvernement espagnol ne pouvait pas ignorer les intentions des autorités marocaines , lorsque Aminatou Haider, de retour des Etats-Unis, rentrait chez elle à Al Ayoun. Le CNI (service de renseignements espagnol) savait que le consul du Maroc à Las Palmas, avait réservé un siège sur les deux vols hebdomadaires Al Ayoun- Lanzarote. Depuis quelques jours, les autorités marocaines ne cachaient plus leur intention de bannir celle «par qui tous les malheurs arrivent», pour n´avoir jamais accepté de faire mention sur sa fiche de débarquement dans la capitale du Sahara Occidental de la «nationalité marocaine». Pourquoi donc les autorités espagnoles ont-elles fermé les yeux sur l´entrée sur leur territoire d´une étrangère non munie d´un passeport? Madrid a-t-elle sous-estimé à ce point la réaction de Amunatou Haider dont pourtant personne n´ignore le sens du sacrifice? A-t-elle, comme c´est plus que probable, volé au secours de Rabat pour l´aider à se «débarrasser» d´une activiste indépendantiste trop encombrante ? «Je te laisse le Sahara Occidental et tu fermes les yeux sur Ceuta et Melilla» Encombrante, Mme Haider, l´est, en effet, pour le Maroc qui occupe, impunément, depuis novembre 1975 le territoire sahraoui. Pour ne jamais manquer de dénoncer haut et fort les violations des droits de l´home au Sahara Occidental. Pour, enfin, les intérêts politiques de l´ancienne puissance coloniale, l´Espagne qui, plutôt que de s´acquitter de son obligation de conduire le territoire sahraoui vers la décolonisation, avait fait dans le complot avec le Maroc. «Je te laisse le Sahara Occidental et tu fermes les yeux sur Ceuta et Melilla». Un marché des plus scandaleux que les puissances coloniales les plus méprisées au monde n´ont pas osé faire. Plutôt que de prendre exemple sur le Portugal et l´Indonésie, gouvernée par la fille de Nehru, qui ont su corriger une erreur historique et conduire Timor-Est à son indépendance – un cas parfaitement similaire à celui du Sahara Occidental – le gouvernement socialiste espagnol a choisi d´avancer dans la série de complots avec le régime marocain. Sitôt installé à la tête du ministère des Affaires étrangères, Miguel Angel Moratinos, pro-marocain convaincu, s´est employé, avec le coup de pouce de Jacques Chirac, à torpiller la seule issue qui s´offrait encore au conflit sahraoui. «Le Plan Baker n´est pas la Bible» dit-il. Il inspire le «Plan d´autonomie» marocain qui nie le droit à l´autodétermination du peuple sahraoui. La France lui apporte son appui. Premier complot. Une mise à nu Les soulèvements populaires à Al Ayoun et dans le reste des villes espagnoles contre le plan d´autonomie d´inspiration espagnole depuis mai 2005, sauvagement réprimés par les forces armées marocaines, n´ont jamais été condamnés par le gouvernement socialiste, alors que les parlementaires et la société civile en Espagne, exprimaient haut leur indignation et pressaient leur gouvernement d´agir. Dans le privé, Moratinos s´est même interrogé sur la généralisation de ces soulèvements, laissant entendre qu´il y avait derrière quelque part derrière. Exactement les arguments que Rabat tentaient de faire accréditer à l´étranger. Second complot. Le cas Aminatou Haider est venu mettre à nu toute la série de complots orchestrés par le PSOE pour faire avancer la question du Sahara Occidental dans le sens des thèses marocaines. Aminatou Haider et ses sept camarades emprisonnés pour avoir revendiqué le droit à l´indépendance de leur pays ont fait échouer cette stratégie du complot dont le dernier est soit de bannir la résistance populaire interne sahraouie, soit de réduire ce militantisme à une affaire de titre d'asile ou de passeport espagnol. Mme Haider l'a dit hier, haut et clairement à la télévision espagnole : «je ne veux être ni une exilée, ni encore moins une étrangère. Je veux rentrer chez moi.» Une question très simple contre laquelle la diplomatie de la magouille n´a rien pu. Alors, Madrid pointe du doigt, en privé, le Front Polisario et l´Algérie, et en s´excuse par des communiqués officiels. Zapatero appelle au secours de son ministre des affaires étrangères, les Nations unies, l´Union européenne et supplie le Maroc de faire un geste. Rabat reste inflexible. En admettant sur le territoire espagnol une personne expulsée de son propre pays, le gouvernement espagnol a fait un petit complot qui est en fait une très grave erreur. Un petit complot peut-être mais un complot de trop. Un peu «la goutte qui a fait déborder le vase». Le prix, cette fois, risque d´être très coûteux pour la diplomatie espagnole qui doit piloter, à partir du 1er janvier, la présidence tournante semestrielle de l´Union européenne.