C'est une véritable claque à la figure. Ainsi est perçue l'annonce faite par le ministère de l'Energie et des Mines d'une augmentation prochaine du prix du litre du gasoil. Les appréhensions les plus visibles sont chez les voyageurs, en particulier ceux qui se déplacent matin et soir pour regagner un lieu de travail le matin et rentrer à la maison le soir, qui jugent les prix pratiqués actuellement déjà trop élevés. Alors que dire d'une augmentation qui est quasi-certaine sur l'ensemble des lignes à travers la wilaya de Tizi Ouzou. «Les retombées seront lourdes à supporter», nous dira Mohand Akli, fonctionnaire à Tizi Ouzou et questionné à ce sujet avant d'ajouter : «Il est clair que l'on se dirige droit vers une augmentation dont les conséquences directes retomberont sur nous les travailleurs qui dépensons déjà plus du tiers de notre salaire comme frais de transport.» Notre interlocuteur habite à Iflissen, commune maritime située à l'est, dans la daïra de Tigzirt, et travaille à Tizi Ouzou. Si l'on prend son exemple, il est aisé de mesurer l'angoisse qui le gagne. Pour se rendre à son travail, il se trouve dans l'obligation de faire deux correspondances. De son village natal vers Tigzirt où il prendra la destination de la ville des Genêts, et vice-versa le soir venu. Pour le premier trajet, il doit débourser 50 DA pour l'aller-retour et 140 DA pour le trajet Tigzirt-Tizi Ouzou en aller-retour par jour. Ce qui fait 190 DA jour. Multiplié sur les 26 jours de travail, le compte est vite fait. C'est son salaire mensuel qui est amputé de plus d'un tiers, rien qu'en frais de transport. L'exemple de Mohand Akli n'est pas le seul. Ils sont des milliers à vivre cette situation. Vers d'autres destinations encore plus lointaines, comme vers Aïn El Hammam, Akbil, Ath Ziki, Boghni, Ouadhias, Aït Bouadou, la situation est encore pire que celle de notre interlocuteur véritablement interloqué par cette annonce. Les voyageurs auront à dépenser plus. Même pour les destinations dites proches, les choses ne s'annoncent pas assez bonnes. Prenons par exemple le cas de Ouaguenoun qui n'est pourtant qu'à une quinzaine de kilomètres du chef-lieu de la wilaya. Il y a un tarif unique pour tout déplacement dans un fourgon. Du chef-lieu vers la ville ou descendre à mi-chemin, le voyageur doit débourser 25 DA. Avec l'augmentation qui se profile à l'horizon, les prix vont «s'envoler». A Ouaguenoun, il y a quelques mois, c'est la population qui a décidé d'agir contre une augmentation des tarifs non annoncée et décidée par les transporteurs eux-mêmes. Alors, les travailleurs avaient alors décidé dans un premier lieu de boycotter les transporteurs avant de durcir leur mouvement ne leur interdisant de circuler. Résultat : ils ont décidé de surseoir à l'augmentation. Ainsi, l'augmentation annoncée des prix du gasoil risque de provoquer des tensions sociales dans les semaines à venir.
Qu'en est-il du côté des transporteurs ? «Pour l'instant, nous pratiquons toujours les mêmes prix et ce jusqu'à ce que les nouveaux prix entrent en vigueur», dira Samir, propriétaire et chauffeur d'un fourgon KIA de 12 places. Après ça sera comment ? «Après on verra. Il faut d'abord connaître de combien le carburant augmentera avant de revoir les prix. On se consultera entre transporteurs pour décider d'une augmentation en conséquence», ajoutera-t-il. Sur quelle base cette augmentation sera-t-elle fixée ? « Je ne sais pas, mais ce qui est sûr, c'est qu'on ne pourra pas garder les mêmes tarifs», lâche-t-il d'un air gêné. C'est le wait and see. Les tarifs pratiqués par les transporteurs ont connu plusieurs réajustements ces dernières années. Parfois cela se fait sans aucune raison apparente. C'est une sorte de diktat qu'imposent les transporteurs déjà montrés du doigt de ne pas assurer un service public correct sur certaines lignes. Ce qui se profile à l'horizon risque pour ainsi dire de générer plus de tension. «La situation n'augure rien de bon», dira Ahmed pour sa part. Il tentera même d'ironiser tout en se lançant dans une sorte d'analyse politico-économique en disant : «Il fallait s'y attendre ! On augmente le SMIG de 25% pour les non-smicards, c'est une bonne chose en soi, mais de l'autre côté on vous arrache plus de centimes dans d'autres créneaux.» Pour lui, l'augmentation du SMIG a été taillée sur mesure sur la nouvelle loi de finances. Plusieurs personnes, questionnées pour avoir leur avis sur la probable augmentation des tarifs des transports, n'ont pas caché leur stupéfaction. C'est le cas de Karim qui dirige un chantier à la périphérie de Tizi Ouzou. Il nous fera cette confidence : «Les retombées seront encore plus graves que maintenant. Je vous citerai un exemple que beaucoup ignorent. Je vous dis que nous manquons par exemple de manœuvres à cause de toutes ces dépenses que certains n'arrivent pas à assumer.» Explication : «La majorité qui travaillent pour nous comme pour d'autres nous viennent de ces villages lointains. Avec toutes ces dépenses quotidiennes dont les frais du transport et le repas, cette catégorie sous-payée se retrouve à la fin du mois avec deux à trois mille dinars dans la poche. Dans ces conditions, ils préfèrent ne pas s'y aventurer.» Aussi faut-il prévoir aussi qu'avec la prochaine réception des gares intermédiaires à la périphérie de la ville des Genêts, la somme à dépenser quotidiennement pour les frais de déplacement connaîtront une autre augmentation, puisque les fourgons n'auront plus l'accès en ville et les rotations seront assurées par des bus. Il faut donc payer plus. Face à cette situation, il est souhaitable, comme l'ont tenu à le dire quelques uns parmi ceux questionnés, de voir la direction des transports de la wilaya intervenir pour réglementer toute éventuelle hausse des tarifs. Certains ont même souhaité la mise ne place de mesures dissuasives et d'un contrôle rigoureux pour freiner l'élan de quelques transporteurs zélés et aveuglés par les gains. D'autres préconisent le retour vers les transports de masses. En effet, il existe à Tizi Ouzou de nombreuses destinations qui ne sont assurées par aucun bus. Ce sont les fourgons qui le font. «Les bus sont moins chers et ont des horaires fixes, c'est peut-être à ce niveau qu'il faut restructurer ce secteur névralgique», préconisera un autre fonctionnaire. Les répercussions seront les mêmes sur les lignes intra-muros. Les voyageurs et les transporteurs sont devant un véritable dilemme. Pour l'heure, l'équation reste à plusieurs inconnues et risque de faire beaucoup de mécontents.