La décision d'importer 1,5 million de tonnes de ciment a surpris plus d'un. Les opérateurs économiques et les professionnels du secteur ne comprennent pas les raisons ayant poussé les pouvoirs publics à avoir recours à cette mesure qui intervient, il faut le préciser, moins d'une année après l'opération similaire lancée en juillet dernier. Une décision qui suscite moult interrogations dans la mesure où beaucoup d'entraves ont marqué l'importation d'un million de tonnes de ciment en 2009 où un grand retard a été accusé dans la réception de cette importante quantité. «Il y a des facteurs qu'il faut prendre en considération dans cette opération pour éviter le scénario qui s'est produit il y a quelques mois», a affirmé M. Mezine, secrétaire général de l'association générale des entrepreneurs algériens. Pour notre interlocuteur, il faut absolument revoir le timing de cette opération qui intervient en saison hivernale, marquée par la diminution des travaux de construction dans divers secteurs. L'autre facteur qu'il ne faut pas négliger, selon M. Mezine, concerne le climat de notre pays. «On ne peut pas se permettre d'importer une si importante quantité en temps de pluie. La matière risque de s'abimer et s'avère, au moment de son utilisation, inefficace», a-t-il ajouté. Un ciment de médiocre qualité Il insiste sur la nécessité de contrôler l'opération d'importation et de veiller à ce que le ciment importé réponde aux normes exigées. «Les opérateurs cherchent à trouver un ciment de bonne qualité sur le marché, ce qui n'a pas été le cas lors de la dernière opération où le ciment importé a été de mauvaise qualité. On s'est aperçu que le ciment importé n'est pas bon pour le bétonnage. Il ne peut servir qu'aux opérations de briquetage et pour les finitions», a-t-il ajouté. Face à tous ces inconvénients, notre interlocuteur posera le problème des prix appliqués sur le terrain, qui exigent que le ciment mis sur le marché soit de qualité meilleure. «Les pouvoirs publics ont élaboré une loi pour fixer les prix du ciment sur le marché mais on s'est rendu compte que cela n'a servi qu'à l'augmentation du prix de cette matière, dans la mesure où les prix du produit importé et fabriqué localement ont été alignés. C'est une situation qui a fait que le sac de ciment est passé de 230 à 400 dinars», a-t-il ajouté. Cette révision des prix à la hausse n'est pas restée sans conséquences. «Elle a provoqué une baisse de la demande, notamment pour les constructions qui ne relèvent pas des grands programmes étatiques. L'arrêt des travaux dans certains chantiers continue d'être visible dans plusieurs régions après cette situation», a-t-il expliqué. Il relève une certaine baisse de la tension sur le produit qui enregistre une relative disponibilité : «C'est bien d'importer pour alimenter le marché et redynamiser les circuits, mais il faut prendre également des dispositions et respecter les conditions qui s'imposent pour éviter d'éventuelles crises.» Quel avenir pour la production nationale ? D'autres opérateurs ont vivement critiqué cette décision. «Pourquoi importer alors que nous n'avons pas encore reçu la totalité de la quantité commandée l'été dernier ? A quoi cela sert-il d'inonder le marché de ciment en cette saison où les projets diminuent et au moment où les projets du prochain quinquennat ne sont pas encore lancés ?» s'est interrogé un autre. La quantité demandée lors de cette opération a suscité, elle aussi, l'étonnement de beaucoup de professionnels. On se rappelle encore les prévisions faites par Lafarge, l'an dernier, où cet investisseur évoquait un besoin national qui équivaut au double de la quantité importée en 2009. S'agit-il d'une simple coïncidence ? a-t-on commenté. Les opérateurs s'interrogent : «Comment se fait-il que nous ayons achevé un million de logements sans avoir eu recours à l'importation de ciment, sans compter les barrages, les routes et autres. Là, on est encore à la phase de l'inscription des projets et on décide d'importer du ciment en quantités considérables. Le durcissement des mesures d'importation contenues dans les lois de finances (LFC 2009 et LF 2010) restent sans aucun effet sur l'importation de ciment alors qu'elle a affecté toutes les autres filières. Comment se fait-il qu'on ait pénalisé les entreprises nationales en les privant de la matière première indispensable à la production alors qu'on s'oriente vers l'importation de ciment à tort et à travers», ont-t-ils ajouté, soulignant que «c'est une décision contraire aux nouvelles orientations politiques nationales où la préférence nationale prime sur tout autre décision. Importer une telle quantité aura certainement des conséquences sur la production nationale qui ne fait toujours pas son évaluation malgré tout ce qui a été décidéé. Absence d'aires de stockage L'absence d'espaces de stockage de ciment en Algérie signifie que les quantités importées vont être épuisées au cours de cette année au détriment de la production locale. «On a importé au mois de juillet dans un climat caractérisé par une cacophonie sans précédent. A-t-on eu le temps de réorganiser les choses et d'élaborer une stratégie fiable pour le secteur de façon à maîtriser la demande et optimiser la production ?» diront ces professionnels. En ce qui concerne le coût de l'opération, il est à noter qu'une tonne de ciment coûte au minimum 100 dollars. «En plus d'un million de tonnes que nous sommes en train de réceptionner au cours de cette année, on rajoute 1,5 million de tonnes. Le payement va se faire cette année et va coîter au minimum 250 millions de dollars, sans compter les frais supplémentaires. C'est malheureux de le dire mais on n'a recours à ce genre de décision qu'en cas d'extrême limite alors que ce n'est pas le cas pour notre pays», a-t-on ajouté.