Près d'une vingtaine de boutiques ont été ravagées par le feu samedi à l'aube. Sur le coup, les commerçants ont parlé d'un court-circuit électrique pour expliquer l'origine du sinistre qui risque de les ruiner. Hier matin par contre, les mêmes commerçants qui s'étaient confiés au «Temps d'Algérie» ont évoqué avec insistance de la thèse de «l'acte criminel». Pour eux, il y aurait eu vol suivi d'incendie avec lequel les auteurs présumés chercheraient à masquer leur action. Les commerçants dont les boutiques ont été ravagées par le feu tôt le matin de samedi dernier, au niveau du marché de proximité Zoudj Ayoun (commune de la Casbah) ont repris possession des lieux quelques heures après l'intervention des éléments de la protection civile. Hier matin, pour la deuxième journée consécutive, les locataires touchés par le sinistre continuaient les opérations de nettoyage en prévision de la reprise d'activité, alors que le gros du travail a été réalisé la veille. «Nous avons procédé nous-mêmes à l'entretien du marché après l'intervention de la protection civile et des éléments de la police scientifique venus enquêter sur l'origine de l'incendie», assurent plusieurs jeunes commerçants rencontrés sur les lieux. Les travaux d'entretien commencés samedi ont été à l'origine de la création d'une importante décharge sauvage sur la voie publique. Le service d'hygiène de l'APC de la Casbah a ensuite mobilisé ses moyens afin d'enlever les ordures encombrantes. Hier matin, le même service est revenu à la charge dans le but d'effacer toutes les traces laissées par le feu. Les agents communaux sont ainsi intervenus dans cette partie du marché pour aider les commerçants à achever l'entretien. Des pertes importantes Le marché Zoudj Ayoun est spécialisé dans le commerce de l'habillement (vêtements et chaussures). On y trouve des effets vestimentaires de toutes sortes pour femmes, hommes et enfants. Les boutiques incendiées stockaient des quantités importantes de marchandises, selon les vendeurs. «Le plus chanceux des jeunes a perdu 500 000 Da dans cet incendie. Il y a ceux qui ont perdu jusqu'à 1,20 million DA de marchandises stockées», affirme-t-on. Ces chiffres ne seraient pas exagérés, sachant à titre d'exemple qu'une veste en cachemire est proposée à la vente entre 4000 et 5000 DA. En vue de ces pertes considérables, les victimes souhaitent un dédommagement. «C'est vrai que la marchandise n'est pas assurée, mais l'APC doit trouver une solution afin de nous permettre de reprendre notre activité le plus vite possible», affirme un autre locataire, lui aussi victime de l'incendie. Et à propos des autorités locales, les commerçants signalent l'absence du président de l'APC de la Casbah, ainsi que des autres élus, sur les lieux du sinistre. Comme les élus ne se sont pas déplacés, ce sont les victimes qui se sont rendues hier matin au siège de l'APC qui se trouve à 200 m environ. Une dizaine de jeunes se sont en effet regroupés dans le bureau du responsable chargé de la gestion des marchés, sans pouvoir prendre langue avec le premier magistrat de la commune «qui venait de sortir». Une délégation représentant l'ensemble des locataires victimes de l'incendie devait rencontrer le P/APC hier après-midi afin de discuter des mesures à prendre dans le but d'assurer la continuité de l'activité. Selon les jeunes interrogés par le Temps d'Algérie, la délégation devait suggérer la baisse des loyers, voire leur suspension, le temps de permettre aux locataires de retrouver leur équilibre et relancer leur commerce. La thèse du court-circuit rejetée Dans la journée de samedi, quelques heures après l'incendie, les commerçants ont évoqué un court-circuit électrique pour expliquer l'origine du sinistre. Dimanche matin, les mêmes commerçants ont privilégié la thèse de l'acte criminel. Plusieurs jeunes touchés ont parlé de cela dans les locaux de l'APC. «Ils (les responsables locaux) veulent nous faire croire que le feu s'est déclaré à cause d'un court-circuit. Alors, qu'ils nous expliquent pourquoi la boutique où est placé le disjoncteur n'a pas été touchée par le feu», a-t-on crié dans le bureau du gestionnaire des marchés communaux. Dans la foulée, l'intervenant a ajouté : «Il y a un mois de cela, un incendie s'est déclaré dans une seule boutique du marché avant qu'il soit éteint par les agents du marché. On a tout simplement voulu ruiner le locataire de cette boutique». D'autres personnes ont évoqué la thèse du vol de marchandises et le feu serait, pour eux, un moyen de ne pas se faire remarquer. Pis, les concernés révèlent que l'alerte à l'incendie a été donnée par le voisinage (les agents de Dar El Hamra). Que faisaient alors les gardiens du marché ? «Tout le monde sait qu'ils passent leur temps à dormir dans leur cage ou à organiser des soirées arrosées en compagnie d'autres personnes qui n'ont rien à voir avec le gardiennage du marché», affirme-t-on. Tout compte fait, la thèse de l'acte criminel reste à confirmer : la police n'a pas encore rendu publiques les conclusions de son enquête sur l'origine de l'incendie. Que ce soit le marché Zoudj Ayoun ou d'autres infrastructures similaires dont la gestion dépend directement des services de l'APC, le laisser-aller est de mise. C'est que l'Assemblée locale est toujours bloquée depuis les dernières élections locales (fin 2007) en raison d'un différend qui oppose ouvertement le président de l'APC à plusieurs autres membres élus. Même la construction, en 2006, de ce marché de proximité n'a pas eu les faveurs de tous les élus dont certains avaient accusé le maire de «populisme», plaidant au contraire la réalisation d'un véritable centre commercial sur la même assiette, digne d'une commune du centre-ville de la capitale. Pour rappel, le marché Zoudj Ayoun a été aménagé afin de mettre fin à l'occupation illégale de la voie publique, par les trabendistes, dans la basse-Casbah. Quatre ans après, le problème s'est aggravé.