Faut-il attendre quelque chose de concret de ces négociations qui s'ouvriront demain entre le Maroc et le Front Polisario, près de New York, sous l'égide des Nations unies ? Rien pour l'instant ne permet de l'imaginer pour la raison simple qu'il s'agit de «négociations informelles», un contact de plus, pareil à celui que les deux parties impliquées directement dans le conflit du Sahara occidental ont déjà eu en août 2009 à Vienne. Ce sera la cinquième fois au total que les Marocains et les Sahraouis vont se retrouver, ce qui aux yeux des Nations unies est en soi positif. Positif mais pas suffisant pour ouvrir la voie à une solution à ce conflit qui dure depuis plus de 30 ans. L'ambition de l'envoyé spécial des Nations unies, Christopher Ross, ne va donc d'ailleurs pas plus loin que de tenter de maintenir en veille la voie du dialogue comme principe en soi. L'ancien diplomate américain est conscient qu'une solution à ce conflit n'interviendra ni cette année ni l'année qui suivra. Beaucoup d'arguments le laissent supposer. Les intérêts de la France et de l'Espagne L'obstacle principal c'est bien évidemment l'obstination du Maroc à ignorer les résolutions pertinentes des Nations unies sur le droit du peuple sahraoui à l'autodétermination et à l'indépendance. Les autorités marocaines sont confortées dans leur position de refus de se conformer à la légalité internationale par l'attitude farouchement intéressée de la France. Paris, on le sait, a de gros intérêts géostratégiques dans cet ensemble francophone qui va de Nador au Rwanda. Un Etat hispanophone tampon dans cette zone casserait forcément cet ensemble que Bugeaud avait imaginé voilà deux siècles. L'Espagne, qui tente de calmer l'ardeur des revendications nationalistes marocaines sur les enclaves de Ceuta et Melilla, veut user de son ancienne colonie, le Sahara occidental, comme monnaie d'échange. Encouragé par la France, pays membre permanent du Conseil de sécurité, et par l'Espagne, ancienne puissance coloniale au Sahara occidental, voix écoutée par le Conseil de sécurité, Rabat ne voit pas de raisons de modifier sa position dans une conjoncture qui lui était de surcroît plus que favorable depuis les attentats du 11 septembre 2001. Un Etat sahraoui indépendant, soumis à «toutes les influences» ouvrirait la voie à l'implantation d'Al Qaïda dans cette région, selon la version marocaine. Une conjoncture favorable au Polisario Jusqu'au quatrième round, celui de Vienne, la conjoncture était donc plutôt favorable au Maroc. A la fin de l'année 2009, les choses ont commencé à lui être contraires. Depuis que la communauté internationale a pu vérifier de visu l'horreur des méthodes brutales employées par le Maroc pour réduire au silence le courant indépendantiste sahraoui représenté par Aminatou Haider. Il a suffi d'une grève de 33 jours pour que tout bascule. Le Maroc est pointé du doigt, en Europe et aux Etats-Unis, par la communauté internationale, pour ses violations répétées des droits de l'homme au Sahara occidental, alors que le gouvernement espagnol est mis à l'index aussi pour apporter son soutien, implicite, à l'occupation de son ancienne colonie. La France, principal appui du Maroc dans ce conflit, garde le profile bas. C'est dans cette conjoncture, qui est cette fois loin d'être favorable au Maroc que s'ouvrent les négociations informelles de New York. Les Etats-Unis ont été les premiers à exiger une reprise «sans délais» des négociations entre les deux parties au moment fort de la grève de la faim d'Aminatou Haider, C'était suffisant pour Christopher Ross pour convoquer cette cinquième rencontre dont, personnellement, il n'attend rien de concret. Le roi Mohammed VI, sur conseil de Madrid, a avancé, début janvier, son «plan de régionalisation» pour le Sahara occidental inspiré du modèle du système politique espagnol. Son objectif est double : réduire l'impact de l'action de Mme Haider sur l'opinion internationale et anticiper l'action de Christopher Ross à travers un «plan» que Madrid estime «digne d'intérêt». Plus concrètement de servir de base de travail pour les discussions, mêmes informelles, entre le Maroc et le Front Polisario. La haine de l'Algérie Dans la forme, l'attitude marocaine donne l'impression d'un changement à travers une initiative qui vise en fait à consacrer l'annexion. Dans le fond, le discours de cette monarchie absolue est inchangé. L'Algérie est ciblée, avec haine, pour son soutien à la cause du peuple sahraouie, en des termes très violents, à plus forte raison maintenant que la conjoncture n'est plus favorable au royaume alaouite. Gouvernement, paris politiques, associations fantoches et presse aux ordres tiennent le même discours : «Le problème du Sahara occidental a été crée par l'Algérie.» C'était ce discours que ces trois piliers de la monarchie marocaine développaient encore la veille de l'ouverture de ce cinquième round des négociations maroco-sahraouies. Faut-il donc s'attendre à l'assouplissement de la position marocaine ? Rien n'est moins sûr. Du moins pas en l'absence de véritables pressions du Conseil de sécurité de l'Onu sur la puissance d'occupation militaire du Sahara occidental.