Les observations faites par le Fonds monétaire international (FMI) au sujet des décisions économiques prises par Alger, notamment l'interdiction du crédit à la consommation et la suspension de la privatisation des banques publiques, sont inopportunes, selon l'économiste Mouhoubi Salah, qui a eu à travailler avec cette institution internationale en qualité de directeur chargé des études à la banque centrale. Le FMI avait demandé récemment à l'Algérie de revenir sur une décision concernant la suppression du crédit à la consommation pour soutenir le développement financier et de relancer la privatisation des banques publiques. S'agissant des crédits à la consommation, le FMI avait suggéré la création d'une centrale des risques pour contrôler l'endettement des ménages. Des recommandations qui sont analysées ici, dans cet entretien, par l'économiste Salah Mouhoubi, docteur en économie, auteur d'un livre sur les vulnérabilités de l'économie algérienne. Quelle analyse faites-vous sur les recommandations du FMI quant à la levée de l'interdiction du crédit à la consommation. L'Algérie est-elle capable aujourd'hui de relancer ce produit bancaire ? Le Fonds monétaire international (FMI) a demandé à l'Algérie de revenir sur une décision concernant la suppression du crédit à la consommation. Il faut rappeler que cette mesure a été dictée par des impératifs économiques et financiers très clairs. Au cours de l'année 2009, les revenus du pays ont baissé de moitié, de 80 à 45 dollars, alors que la facture des importations est restée au même niveau que l'année 2008, aux environs de 40 milliards de dollars. Le crédit à la consommation est un produit distribué beaucoup plus par les banques étrangères installées en Algérie. Sa suppression n'affecte pas réellement les activités des banques publiques algériennes. Le Fonds monétaire international a passé sous silence le crédit à l'immobilier, qui intéresse beaucoup plus les Algériens, en insistant uniquement sur le crédit à la consommation qui représentait 90% des totaux des crédits offerts par les banques étrangères, sachant que le financement servait à l'achat des véhicules. Or, les voitures sont importées et non pas fabriquées localement. L'Algérie se retrouve, de manière directe, la source de financement des constructeurs à travers ses importations. Il faut relever cette réalité. C'est d'ailleurs la seule observation faite par le FMI. C'est un peu surprenant de la part de cette institution internationale. A l'extérieur, dans les pays constructeurs d'automobiles, il existe des problèmes sérieux quant à cette branche de leur économie. Ils ont pris des mesures de relance. Maintenant, on demande à l'Algérie de participer de manière indirecte à la relance de ce secteur, alors que ce n'est pas dans l'intérêt de l'Algérie. Aussi, le FMI a occulté un point important, à savoir que l'Algérie n'a pas pris des mesures dites protectionnistes pour interdire l'importation de voitures. Elle a simplement expliqué que le crédit à la consommation a été supprimé pour rétablir l'équilibre de sa balance commerciale. Il s'agit donc à travers cette recommandation d'aider les banques étrangères et les constructeurs automobiles… L'on est en droit de se poser cette question. Apparemment, le fonds s'est fait l'écho de certains milieux, ici, en Algérie, qui dès le départ, on critiqué la suppression du crédit à la consommation. Il faut dire que ces critiques n'ont pas été formulées par tous les pays fournisseurs de l'Algérie. Certains ont compris la situation économique de l'Algérie. Aussi, notre pays a reçu des délégations venues comprendre les tenants et les aboutissants des nouvelles mesures prises dans le cadre de loi de finances 2009. Les choses ont été bien expliquées à ce niveau-là. L'Algérie est un pays souverain. Elle a tout à fait le droit de prendre des mesures qui s'imposent pour protéger son économie et réaliser un équilibre interne et externe. Le FMI devrait comprendre la position algérienne à ce sujet. Je tiens à préciser que le crédit à la consommation se pratique pour contribuer à la croissance économique d'un pays, alors qu'en Algérie, le crédit à la consommation n'a fait qu'augmenter la facture des importations. La décision d'Alger ne contrarie en rien la liberté d'investir et de commercer. Est-ce que le FMI jouit de ce rôle de prescrire les activités bancaires à entreprendre pour un pays membre ? Dans le cas de sa recommandation de la relance du crédit à la consommation, le FMI a pris en considération plutôt les intérêts privés de certains milieux bancaires et d'affaires, que ceux de l'Algérie. Normalement, le FMI devrait être plus soucieux des équilibres financiers des pays membres. L'Algérie étant un Etat souverain n'est pas obligé de suivre à la lettre ni les observations ni les recommandations du FMI, d'autant plus que le produit de crédit à la consommation ne concernait pas ses intérêts. Le FMI a recommandé également la relance du processus de privatisation des banques publiques. Que pensez-vous de cette observation ? C'est une recommandation récurrente. Depuis plus d'une dizaine d'années, le fonds monétaire recommandait à l'Algérie de privatiser ses banques publiques. Il est certain qu'un jour l'Algérie procédera à la privatisation des banques étatiques. Sur ce point, notre pays adhère à ce principe et avait sélectionné la BDL et le CPA. Seulement, le contexte actuel de crise ne permet pas d'envisager ces projets. Du point de vue juridique, l'ouverture du capital des banques se fera à hauteur de 49% et non à 51% comme annoncé auparavant... Effectivement, la loi algérienne a été modifiée en ce qui concerne les IDE. Mais rien n'est exclu en la matière. Les autorités publiques peuvent donner la majorité du capital à un partenaire étranger. Entretien réalisé