Tout condamné par défaut a ceci de particulier. La loi lui permet de faire opposition. A Bab El Oued, le juge de la correctionnelle entend les explications de l'inculpé qui doit faire un exercice mental, car les faits sont vieux de... onze années judiciaires. Le comble pour l'inculpé, c'est que la victime est absente, donc elle ne sera plus en face de lui, l'affrontant et tenter de l'enfoncer. C'est pourquoi le président de la section pénale a eu par moments des «signaux» émis par le dossier qui ne montrent pas à la justice que l'inculpé n'était pas le bandit de grands chemins et que le verdict prononcé par défaut (un an d'emprisonnement pour vol) n'était point justifié, vu qu'un tribunal travaille exclusivement sur des preuves. Et les preuves, il n'y en a pas ! Le condamné a une peine par défaut d'un an de prison ferme pour des faits qui s'étaient déroulés en 1999. Et le voilà en 2010, en février, devant Ahmed Arrib, le président de la section correctionnelle du tribunal de Bab El Oued (cour d'Alger). Mounira F., la bonne dame victime de Saoud R., la trentaine, qui a fait souffrir trois minutes et demie le juge qui s'était efforcé de rappeler sans les nommer les faits. L'inculpé va tout de même revenir douze années en arrière pour reconnaître qu'à l'époque, il avait été traîné devant le tribunal et jugé sans qu'il ne s'inquiète des suites à donner. Ce qui explique le verdict prononcé par défaut, et que le 15 janvier, l'opposition fut introduite à temps et que le moment était venu de payer la facture à la société et à la victime qui a dû, entre-temps, oublié le dossier, puisque absente à la barre, ce dimanche. - «Un an de prison ferme et une amende», telles auront été les demandes faites par Abbas Zerrouk, le procureur. L'inculpé, débonnaire, ne savait même pas expliquer comment il s'est retrouvé en 2010 au tribunal, et donc n'avait même pas dit comment il avait appris le verdict prononcé par défaut. Avec le sourire, il avait dû parler de son passé pas si noir et si sale que ne devait le penser le tribunal. Il a dit regretter ce qu'il avait fait à l'époque. - «Dites-nous un peu. Vous regrettez quoi ? Le délit ? Vous n'êtes même pas capable de vous rappeler les faits et même la victime. Alors qu'allons-nous faire ?», tonne avec bonhomie le magistrat qui s'est aperçu que l'inculpé n'était pas le «bandit de grands chemins» à envoyer au bagne, mais tout simplement un ancien ado qui avait commis un larcin que tout le monde avait oublié, y compris lui-même, sauf la... justice, cet appareil au bras long, à la mémoire d'éléphant et qui prouve encore une fois l'adage millénaire qui dit à peu près que «les paroles s'en volent, les écrits restent». Aussi, lorsque dame justice se mouille dans une situation, elle va jusqu'au bout sauf si l'autre dame, la prescription, s'en mêle.