Un petit cleptomane sévit dans la région de Koléa. Du haut de la «citadelle», Fawzi R. devant Barik, ce président de la section correctionnelle du tribunal, joue son va-tout en toute... innocence. Il sait ce qu'il risque, puisque le délit qu'il a commis tombe sous le coup de l'article 350 du code pénal. Alors il n'a qu'une envie. C'est - et ô comble de la justice - de poser des questions au juge qui laissa faire, voulant par là aiguillonner le «malade» atteint de cleptomanie. Fawzi prend tout ce qu'il touche. Il n'escalade pas. Il ne s'introduit jamais dans les appartements, villas et autres domiciles. Il vole ce qu'il a à portée de main. Il adore rendre visite aux supermarchés. Il adore faire du lèche-vitrine, mais de l'intérieur des magasins. Et lorsqu'il est pris, il ne prend pas d'avocat, puisque c'est un démuni. Il prend plaisir à se plaindre face aux juges sans avoir un regard en direction du ministère public, ces «enfonceurs», comme aiment à les appeler nos compatriotes pas au parfum de la justice... - «Que voulez-vous que je fasse madame la présidente. Le vol pour moi est une maladie», jette d'emblée Fawzi R., 26 ans, mais qui paraît en avoir dix de plus tant il est marqué par la récidive, la détention, l'incarcération, les procès, les débats, les demandes du ministère public et surtout toutes les fois où il avait comparu à la barre, il n'a jamais pu ni voulu constituer un défenseur qui puisse tenter un bon coup ! - «Et alors, qu'attendez-vous du tribunal ? Il n'a pas de remède miracle ni un bon médecin psychologue pour vous venir en aide. Le seul remède ici, c'est d'abord de répondre aux questions du tribunal», répond Hadj Rabah Barik, le président de la section correctionnelle du tribunal de Koléa (cour de Blida), un président pourtant très jouable ce dimanche. Bien enfoncé dans le fauteuil réservé au ministère public, Samir Hamel attend de voir et d'entendre avant d'ouvrir la bouche. Le président semble ne pas être pressé de juger ce pauvre Fawzi qui est beaucoup à plaindre qu'à gronder. Oui, c'est un cleptomane et il n'est pas loin d'avoir dit la vérité. La cleptomanie est une grave maladie, et ailleurs elle est prise en charge. Chez nous, la taule est le pire des médicaments, et nos magistrats n'ont pas le choix. Souvent conduits par les PV de la police judiciaire, ils visent juste. Cette fois, Fawzi est entré dans un magasin, s'était servi juste de ce qui l'avait chatouillé et quitté le local commercial sans encombre jusqu'au seuil, lorsque le sifflet a grésillé donnant l'alerte ! C'est le flagrant délit. La présentation, la détention préventive, et ce dimanche le procès. L'article 350 lui est appliqué sans état d'âme. D'ailleurs, à plusieurs reprises, le détenu commet un lapsus. Lorsqu'il parle, il ne dit pas «lorsque vous lirez le verdict» mais plutôt «lorsque vous me condamnerez et renverrez en prison.». Et ici, très vigilant et surtout prudent, le magistrat tire au clair : - «Ici, on ne condamne jamais durant les débats. Nous écoutons, prenons des notes et durant la mise en examen, le tribunal est fixé.» Alors, inculpé, cessez, voulez-vous, de jouer à la voyance», balance Barik qui a horreur d'être pris pour un magistrat hasardeux, voire «joueur de dés». L'inculpé va mieux répondre aux deux dernières questions en rectifiant la phrase énoncée d'entrée. Il ne dit plus : «Que voulez-vous que je fasse ?» mais plutôt : «Je voudrais que l'on m'aide. J'essaierai de ne plus toucher ni prendre ce qui ne m'appartient pas.» Il devient raisonnable. Même le procureur va être cool et demander deux mois de prison ferme. Et puis, gâté comme il l'est en ce début d'année 2010, il va dire le dernier mot – à la demande du tribunal – avec une jovialité qui a effacé le regard hagard, effarouché et surtout apeuré. Il a probablement déclenché un déclic en demandant de l'aide du tribunal. Ce tribunal qui va le lui rendre bien. Il lui accorde le sursis. Et à Hadj Rabah Barik d'avertir Fawzi : «Attention, le tribunal ne veut plus vous voir dans les parages, sinon l'épée du sursis s'abattra sur vous avant que vous ne réalisiez ce qui vous arrive.» Le frais libéré dit oui sans sourire...