Quoi qu'il ait suscité un débat passionnant et inspiré beaucoup d'écrits dans les colonnes de la presse, le projet de loi algérien criminalisant le colonialisme ne connaîtra pas son application de sitôt, pour ne pas dire carrément qu'il est d'ores et déjà renvoyé aux calendes grecques alors qu'il n'est qu'à ses premiers balbutiements. Nombreux en effet sont les signaux avant-coureurs qui prédisent son échec. Le plus frappant de ces signaux a trait au fait que ce projet de loi n'est pas inscrit à la session de printemps de l'APN en vue d'une éventuelle adoption par les parlementaires algériens. L'on sait aussi que le même projet criminalisant le colonialisme est loin de faire l'unanimité au sein des formations politiques les plus en vue notamment sur l'échiquier national. Et voilà que l'on apprend à l'occasion d'une rencontre-débat animée hier au centre de presse d'El Moudjahid animée par des hommes de lois que «du point de vue juridique, l'application du projet de loi criminalisant le colonialisme n'est pas possible». Ce sont là les propos de l'un des animateurs de la rencontre citée plus, en l'occurrence l'avocat Azzi Merouane, qui est par ailleurs chargé de l'application des dispositions de la réconciliation nationale. Sur sa lancée, il fera savoir clairement que le projet de loi criminalisant le colonialisme est certes «une excellente initiative», balayant d'un revers de la main toute éventualité de son application. Et même dans ce cas, ce même projet serait adopté et validé par voie législative. «Allons-nous réellement parvenir à juger les criminels de guerre français de leurs méfaits remontant à l'époque coloniale ?», s'interroge le même avocat tout en se montrant sceptique quant à voir un tel scénario se produire un jour. Lui emboîtant le pas, maître Miloud Brahimi, expert en droit international, a lui aussi plaidé dans le sens de l'impossibilité de l'application du projet de loi criminalisant le colonialisme. Justice internationale : deux poids, deux mesures Ceci, a-t-il argué, pour la simple et bonne raison que l'infraction du colonialisme, tout comme la notion de crime de guerre et de génocide n'existe pas dans le code pénal algérien. «Depuis des années, j'ai insisté sur l'intégration de toutes ces notions dans le code pénal et je n'est pas été écouté», s'est plaint maître Brahimi. Vu que la rencontre d'hier a été inscrite sous le thème «La justice internationale instrumentalisée par la politique et le droit pénal international, comme ciment pour la préservation des droits de l'homme et des libertés», les deux avocats ont eu par ailleurs à stigmatiser le fait que l'application du droit international obéit à la formule «deux poids, deux mesures». Ils ont eu à dénoncer l'un comme l'autre cette pratique du droit international qui ne profite, à leur avis, qu'aux grands puissants de la planète au détriment des pays les plus pauvres. Toujours à propos de ce chapitre, maître Brahimi mettra l'accent sur la nécessité pour l'Algérie de ratifier les conventions se rapportant aux procédures de fonctionnement de la justice pénale internationale et du tribunal pénal international (TPI). C'est seulement de cette manière que l'Algérie pourra faire entendre sa voix et faire des propositions de réformes aussi bien pour ce qui est de la justice internationale et du TPI, conclut maître Miloud Brahimi.