L'ex-Premier ministre français Dominique de Villepin, ennemi juré de Nicolas Sarkozy, a prononcé jeudi un violent réquisitoire contre un président affaibli par un échec électoral, cherchant à se poser en alternative à droite pour la présidentielle de 2012. Devant quelques partisans, ce proche de l'ancien président Jacques Chirac a annoncé la création d'un "mouvement politique", qui sera formellement lancé le 19 juin, au lendemain de l'anniversaire de l'appel à la résistance française lancé par le général de Gaulle depuis Londres en 1940. "J'ai décidé de créer un mouvement politique, un mouvement libre et indépendant, ouvert à tous, au-dessus des clivages qui pourra rassembler toutes les bonnes volontés", a-t-il annoncé, pour proposer "des pistes" au cours des "deux prochaines années". Sans jamais prononcer le nom de Nicolas Sarkozy, Dominique de Villepin a consciencieusement pilonné la politique menée depuis 2007 par le président, dénonçant l'"échec d'une stratégie" de rassemblement des électeurs et d'une "politique" de réformes dispersées, "menées tous azimuts", face à la "souffrance" des Français, frappés de plein fouet par la crise. "Cette souffrance est aggravée par le sentiment d'être ni comprise ni entendue", estime l'ancien diplomate, au lendemain d'un remaniement limité du gouvernement, dicté par la défaite du camp présidentiel aux régionales des 14 et 21 mars. "Ce ne sont pas les conciliabules, les aménagements techniques, des changements de personnes qui sont attendus", affirme-t-il, rejetant comme "un choix personnel" sans grande conséquence l'entrée d'un de ses proches au gouvernement. Répondant à Nicolas Sarkozy, qui a affirmé mercredi sa volonté de poursuivre les réformes tout en mettant clairement la barre à droite, Dominique de Villepin estime que "seul un changement de cap" permettra de sortir d'une crise à la fois sociale, économique et culturelle. "Le contresens de 2007, à travers la politique de rupture, c'est la rupture avec la France", a-t-il dénoncé. Tour à tour, il a critiqué un exercice du pouvoir trop personnel, plaidé pour une "justice fiscale" et appelé de ses voeux une réelle séparation des pouvoirs, notamment au niveau judiciaire dans un pays où le parquet reste sous l'autorité du ministère de la Justice. Il n'a toutefois pas dit un mot du duel judiciaire acharné qui l'avait opposé à Nicolas Sarkozy fin 2009 lors du procès Clearstream, une vaste machination politique fondée sur des falsifications de listings bancaires, qui aurait eu pour but de discréditer M. Sarkozy. Dominique de Villepin, poursuivi notamment pour complicité de dénonciation calomnieuse et relaxé (avant un second procès en 2011), n'avait cessé de dénoncer "l'acharnement" de Nicolas Sarkozy, son grand rival dans la course à l'investiture à droite avant 2007. Dès sa relaxe prononcée fin janvier, M. de Villepin avait adopté un ton solennel pour se poser en "alternative au sein de la majorité" dans la perspective de 2012. Mais pour le politologue Laurent Bouvet, cette initiative ne devrait créer aucune "transformation importante du jeu politique général et même pas à droite". Premier ministre entre 2005 et 2007, flamboyant ministre des Affaires étrangères de l'opposition française à la guerre en Irak en 2003, il souffre d'un handicap majeur. Il n'a jamais, au cours de sa carrière, affronté le suffrage universel. Jeudi, les élus du parti présidentiel UMP ont raillé "l'inutilité" de l'initiative de M. Villepin ou fustigé une "mauvaise idée", le député Claude Goasguen estimant que ce n'était "pas le moment d'aggraver les problèmes de la droite".