«Au Sahara sous occupation marocaine depuis 35 ans, on peut aller en prison pour un mot ou carrément disparaître pour ses idées.» Fatma Sidi, la nouvelle déléguée du Front Polisario dans la région de Aragon (Espagne), «ne fait pas dans l'exagération», estime le journaliste espagnol qui l'interrogeait hier sur la situation des droits de l'homme dans l'ancienne colonie espagnole. Grève de la faim à la prison de Salé Il cite, à l'appui de ses arguments, la mise au secret le plus absolu dans la tristement célèbre prison de Salé de sept indépendantistes, le 8 octobre 2009, à leur retour d'un séjour dans les camps de réfugiés de Tindouf. Depuis, ils attendent de passer devant un tribunal militaire qui les jugera pour «atteinte à la souveraineté du royaume», institution d'exception devant laquelle ils risquent la peine capitale. Cinq d'entre eux se sont mis alors en grève de la faim, depuis le 18 mars. Quatre jours plus tard, des dizaines d'autres prisonniers politiques sahraouis se sont joints à ce mouvement de protestation. Mohamed Abdelaziz a lancé un appel la semaine dernière au SG de l'Onu, sur le cas «désespéré de cinq d'entre eux». Curieux silence à l'Onu. Les associations civiles et humanitaires, en Espagne surtout, dans toute l'Europe et aux Etats-Unis protestent et réclament leur libération immédiate et inconditionnelle. Devant les portes de l'Alhambra où se tenait, le 7 mars, le premier Sommet UE-Maroc, et jusqu'à New York et à Washington, Mme Aminatou Haider est allée réclamer le droit à la protection du peuple sahraoui du comportement brutal des autorités d'occupation. Ni les témoignages des citoyens sahraouis devant les commissions d'enquêtes internationales qui se sont multipliées depuis janvier 2009 au Sahara, ni la grève de la faim des prisonniers sahraouis, ni même celle retentissante de Aminatou Haider, la fin de l'année passée, qui avait ému la planète, ne semblent avoir alerté les Nations unies sur leur obligation de faire respecter les droits de l'homme partout où ils sont violés. Quel rôle pour la Minurso ? En revanche, dans son rapport, mercredi dernier, au Conseil de sécurité sur la situation au Sahara occidental, Ban Ki-moon n'a pas recommandé un mécanisme de surveillance des droits de l'homme au Sahara occidental, comme l'exigeait le Front Polisario avec le soutien de la société civile internationale et des organisations humanitaires, ainsi que des institutions comme le parlement européen. Le représentant sahraoui à l'Onu a de quoi être déçu de la fuite des responsabilités des Nations unies dont le SG s'est limité à réclamer du Conseil de sécurité la prorogation pour une année supplémentaire le mandat de la Minurso. Une prorogation, pourquoi faire si cette institution créée en 1991 pour suivre l'application du référendum rejeté depuis le Maroc n'aura pas d'autre mission que d'exister pour elle-même ? L'obstacle franco-espagnol Il est certain que les membres du Conseil de sécurité, durant les débats à partir du 15 avril prochain, suivront les «conseils» de la France de ne pas élargir la mission de la Minurso à la surveillance des droits de l'homme par cette institution internationale. Les Nations unies se montrent impuissantes à imposer l'application des résolutions qu'elles ont votées depuis 1975, allant toutes dans le sens du droit à l'autodétermination du peuple sahraoui. La position politique traditionnelle de soutien aux thèses marocaines par la France, et l'appui économiquement intéressé du gouvernement socialiste espagnol au royaume alaouite dont Madrid attend, en plus, de la «souplesse dans l'affaire de Ceuta et Melilla», expliquent le report indéfiniment d'une solution à ce problème de décolonisation. C'est l'éternel obstacle de l'axe franco-espagnol. Que d'occasions perdues depuis 1975 !