Jamais, peut-être, le monde de l'aviation ne s'est retrouvé à gérer une situation aussi délicate que celle causée par l'éruption du volcan Eyjafjallajokull en Islande. L'incroyable nuage de cendres qu'il a émis a provoqué la paralysie quasi-totale du trafic aérien dans une bonne partie de l'Europe. 16 000 vols ont été purement et simplement annulés, et il est probable que la suspension des liaisons aériennes dans le vieux continent et entre celui-ci le reste du monde persiste au moins jusqu'à demain. Eurocontrol, l'organisme de contrôle de l'Organisation européenne pour la sécurité de la navigation aérienne, prévoit en effet des perturbations pour au moins 24 heures, indiquant qu'aucun décollage ni atterrissage n'est possible pour les appareils civils dans la plupart des pays du nord et du centre de l'Europe. Ces perturbations concernent l'Autriche, la Belgique, la Croatie, la République tchèque, le Danemark, l'Estonie, la Finlande, le nord de la France, la plus grande partie de l'Allemagne, la Hongrie, l'Irlande, le nord de l'Italie, les Pays-Bas, le sud de la Norvège, la Pologne, la Roumanie, la Slovaquie, la Slovénie, la Suède, la Suisse et le Royaume-Uni. Par ailleurs, l'espace aérien suisse devait être fermé jusqu'à samedi 20h, tandis que le Royaume-Uni et l'Allemagne ont étendu la fermeture de leur espace aérien à aujourd'hui, 2h du matin. Les quelques restrictions levées en Ecosse, en Irlande du Nord et dans le nord de l'Angleterre ont été réimposées, compliquant les déplacements de millions de voyageurs. Pour face au retour de vacances de Pâques, la compagnie ferroviaire Eurostar a ajouté plusieurs trains hier et aujourd'hui entre Londres et le continent. Les Chemins de fer suisses ont dû renforcer leur personnel pour faire face à l'afflux de voyageurs. Les trains vers l'Italie ont été doublés et des wagons ont été rajoutés aux trains vers l'Allemagne. Un coût difficile à supporter Selon la première estimation de l'IATA, Association internationale du transport aérien, la paralysie du trafic aérien en Europe coûte 200 millions de dollars par jour. Ce coût peut être revu à la hausse car, en plus de cette perte en chiffre d'affaires, les compagnies aériennes doivent engager des frais pour prendre en charge leurs passagers bloqués dans les aéroports et procéder à la modification des itinéraires de leurs appareils. Le montant des pertes dépendra également de la proportion de passagers souhaitant un remboursement intégral de leur billet plutôt que le report de leur vol. Selon des spécialistes, une paralysie totale du trafic pendant une journée coûte environ 30 millions d'euros pour Air France-KLM et 25 millions d'euros pour British Airways. En Allemagne, les pertes sont estimées à 50 millions d'euros par jour, dont au moins 10 millions pour la compagnie Lufthansa. Cette situation devrait perdurer au moins pendant les prochaines 24 heures, a indiqué vendredi l'agence européenne de contrôle aérien Eurocontrol. L'agence a prévu 11 000 vols ce vendredi dans l'espace aérien européen contre 28 000 en temps normal. Trafic perturbé partout en Europe Hier, la France a tenté de rouvrir une vingtaine d'aéroports sur les 25 fermés à cause du nuage de cendres volcaniques. Mais, a prévenu le ministre de l'Ecologie, Jean Louis Borloo, «il faudra plus longtemps pour que le trafic aérien reprenne normalement». De fait, seuls les atterrissages ont été autorisés depuis vendredi à Orly, Roissy et au Bourget jusqu'à 18h, ainsi que quelques décollages exceptionnels. L'espace aérien belge est resté fermé jusqu'à hier matin. Idem en Grande-Bretagne et en Pologne où une grande partie de l'espace aérien est encore fermé. Au nord, la prudence est de mise en Suède et en Norvège qui ont procédé à l'ouverture partiel du trafic. Jusqu'à hier, le Danemark était encore paralysé tandis que le trafic est interrompu aux Pays-Bas. En Finlande, les vols commerciaux sont suspendu jusqu'à dimanche. La compagnie de transports ferroviaires Eurostar est submergée par les demandes de réservations supplémentaires. Une porte-parole de la compagnie a affirmé que les trains supplémentaires affrétés ses remplissent immédiatement. Eurotunnel, Deutsche Bahn ou encore Brittanny Ferries sont submergés de demandes de réservation. Selon l'Office météorologique islandais, le volcan de l'Eyjafjallajokull rejette des cendres avec moins de force, la colonne de fumée culminant entre 5000 et 8000 m d'altitude après avoir oscillé entre 6000 et 11 000 m quand il est entré en éruption cette semaine. Le volume de magma semble également baisser. Cependant, avertit une géophysicienne à l'office météorologique, l'éruption pourrait se poursuivre longtemps. La scientifique a indiqué que lors de sa dernière éruption, il y a deux siècles, l'Eyjafjallajokull a créé un phénomène similaire qui s'était poursuivi avec des phases d'activité et d'inactivité pendant plus d'un an.