Le phénomène de l'exode rural dans la wilaya de Béjaïa a pris une courbe ascendante ces dernières années. Beaucoup de villages, surtout ceux des communes pauvres, se vident peu à peu de leur population. Celle-ci, pour de multiples raisons, décide, à contrecœur, de «s'exiler» vers les villes, notamment celles de la vallée de la Soummam, laissant derrière elle des villages quasi fantomatiques, où naquirent et vécurent ses aïeux, qui ont su et pu, malgré les conditions de vie très hostiles, à survivre à toutes les épreuves. Les raisons de cet exode sont nombreuses. Il en est de la paupérisation, du chômage, de l'éloignement des écoles, du problème de transport, donc de l'isolement, aussi des carences multiples, qu'il s'agisse d'absence des structures sanitaires, absence d'AEP, d'électricité, d'assainissement, de routes, etc. Cependant, il est devenu de plus en plus évident que les ménages cherchent le confort. Cela est devenu endémique dans ces contrées isolées. Jadis, les villageois travaillaient la terre et survivaient surtout grâce à l'oléiculture, laquelle prenait une place de choix dans les travaux champêtres. Des métiers artisanaux (tresse de l'alfa pour divers produits, poterie, orfèvrerie, etc.) permettaient également aux villageois de vivre tranquillement et dignement. Mais voilà, les temps ont changé, et les villages particulièrement reculés ne sont plus en odeur de sainteté chez leurs bâtisseurs. La modernité a fini par bousculer les habitudes, et le paysan d'hier qui vivait en prolétaire libre, ne vivant que des produits de la terre, compte à présent sur sa paie ou sa pension. La terre est laissée en friche, les oliviers périclitent, l'agriculture se meurt. Le village est devenu l'enfer pour beaucoup d'habitants. La solution : départ pour les villes. Ce n'est pas étonnant de constater que la population des différentes grandes villes de la wilaya de Béjaïa (Béjaïa, Akbou, Sidi Aïch, El Kseur, Tichy, etc.) ait décuplé en un laps de temps court, résultat de l'exode interne et même externe à la wilaya. Ce qui a contribué à créer des points de transit et autres bidonvilles, habités justement par les «ex-villageois», qui ont quitté leur «misère» pour tomber dans une autre. Ce qui crée une vive tension sur la demande du logement social, et qui contraint les pouvoirs publics à dégager des enveloppes conséquentes afin de reloger ces familles et résorber l'habitat précaire. Mais cette équation à plusieurs inconnus risque de ne jamais connaître une solution, puisqu'à chaque relogement et destruction d'un bidonville, d'autres cités-dortoirs viennent remplacer les bidonvilles rasés, et rebelote. Pour les villageois les plus nantis, ils achètent des terrains et y construisent, d'autres achètent carrément des logements pour aspirer à vivre une vie décente loin des tracasseries et des carences de leurs villages. Depuis l'indépendance, les autorités ont essayé toutes les «potions» afin d'arrêter l'exode rural, sans pour autant connaître des résultats probants. La dernière solution préconisée pour fixer les populations issues des milieux ruraux dans leurs villages, c'était l'aide à la construction, appelée communément Fonal (fonds d'aide au logement rural). Ce programme connaît certes un engouement sans pareil des ménages, mais n'est pas la solution idoine, car beaucoup de problèmes rongent encore les villages, et ce n'est qu'en les solutionnant que les villageois se fixeraient dans leurs villages. Toutefois faut-il attendre que l'Etat octroie des aides pour voir repeupler nos villages ? Evidemment non. Non parce qu'au village de Tazla (25 km d'Ighil Ali), un patelin «prototype» de l'exode rural dans la haute vallée de la Soummam, l'exode commence à prendre le chemin inverse. En effet, après avoir connu une saignée effarante, Tazla commence à se repeupler peu à peu. Il ne s'agit pas d'un coup de baguette magique, mais d'un petit quelque chose : la volonté des villageois «rescapés» qui ont décidé de se prendre en charge et de cultiver des potagers lesquels donnent des fruits et des légumes exceptionnels, d'une qualité et rareté étonnante, comme la tomate rose et pulpeuse, les poires tardives, les raisins d'un goût exquis, les figues charnues et succulentes, bref des fruits et légumes uniques. C'est dans ce créneau que les villageois veulent investir. D'ailleurs leurs produits sont très demandés sur les marchés. Cinq familles qui ont quitté le village de Tazla sont retournées y vivre, comme pour dire que les villages font vraiment vivre, il suffit de faire travailler son cerveau pour trouver un moyen de vivre et rendre conséquemment sa vie agréable.