Les habitants du quartier 11 Décembre 1960, dans la commune de Aïn Benian, sont pris en otage par un projet de restructuration de la cité datant de 1989 et qui n'a jamais vu le jour. Actualisé à deux reprises, le plan a été soumis à la wilaya déléguée de Chéraga en janvier pour approbation. En attendant la réponse des autorités, les habitants demeurent sans gaz de ville, sans routes bitumées et vivent dans des baraques inhospitalières. Cela fait des années que les responsables de l'Association de la restructuration et de la défense de l'environnement du quartier 11 Décembre 1960, commune de Aïn Benian, s'acharnent à quémander une audience auprès du wali délégué de Chéraga afin d'exposer les problèmes de la cité et proposer des solutions. A ce jour, aucune suite n'a été donnée à leurs correspondances. Au quartier, chez l'association qui existe depuis 1989 comme auprès des habitants, le sentiment est le même : il s'agit d'un mépris. Aussi, la wilaya déléguée, à son insu, fait monter la pression à son désavantage. Sur place, les discussions entre résidents tournent autour de la nécessité de hausser le ton, voire de procéder à des actions spectaculaires -comme bloquer la circulation au niveau de la route nationale Aïn Benian-Chéraga - afin de pousser les responsables locaux à se pencher sérieusement sur leur cas. La population se trouve pourtant dans une situation qui a tout l'air d'une prise d'otages. Sous prétexte de restructurer le quartier, les autorités locales se refusent en effet à apporter le moindre changement dans le quotidien des gens du 11 Décembre, des Kabyles originaires de Béjaïa pour la plupart. D'ailleurs, ils sont plusieurs personnes à avouer au Temps d'Algérie que c'est par le fait qu'ils sont kabyles qu'ils sont ignorés. Les premiers habitants étaient là dès les années 1920. Près d'un siècle après, le quartier garde encore sa physionomie d'antan. Le seul changement notable, c'est la prolifération des baraques. Sinon, quelque 10 000 âmes n'ont pas accès au gaz de ville comme leurs voisins du Clos de la grotte, alors qu'elles vivent à 15 kilomètres du cœur de la capitale. Les foyers sont alimentés en eau potable sans que les habitants ne paient leur consommation, faute d'installation de compteurs. Le gros problème reste l'exiguïté des différentes voies d'accès qui empêche la circulation automobile. Les ruelles existantes sont réduites à l'état de pistes pour piétons. Même la route bitumée, qui date de l'époque coloniale, a disparu à cause de la construction de nouvelles maisons. La cité a toutefois gagné en importance au point où les revendications de la population sont maintenant devenues légion. «Ici, à chaque fois que la population revendique quelque chose, un logement, un permis de construire ou autre, la réponse des autorités est vite trouvée : vous, vous êtes concernés par le programme de restructuration», indique un membre de l'association. La restructuration proprement dite porte à la fois sur l'aménagement du quartier et la régularisation des familles sur place ou leur relogement dans de nouveaux sites. La reconfiguration n'a jamais réellement eu lieu. Le premier plan date de 1989. Il a connu un début de concrétisation avec l'évacuation de 50 familles qui se sont installées dans les environs immédiats, dans la cité baptisée 5 Hectares. La période de terrorisme qu'a vécue le pays, dès le début des années 1990, a empêché les autorités d'aller plus loin dans cette opération. Il a fallu attendre 2005 pour que le projet soit déterré. Cette année là, l'APC et l'association ont travaillé ensemble sur une actualisation des anciens plans d'aménagement. Le nouveau projet a été présenté aux autorités et est resté sans suite. Quatre années après la première actualisation, soit à la fin 2009, la wilaya déléguée demande à l'APC une nouvelle actualisation. Ce qui fut fait. Le nouveau plan lui a été remis en janvier 2010. Quatre mois après, l'APC et les habitants ne voient rien venir et aucun motif ne leur a été donné en guise d'explication. A en croire l'association et l'APC, les priorités sont claires : la création des voiries de manière à désenclaver le quartier. «Si on crée les routes, on règle jusqu'à 30% des problèmes», estime-t-on. La création des voies implique nécessairement le transfert des familles occupant des habitations précaires construites aux bords des pistes. «Nous avons sondé toutes les familles. Aucune d'elle n'accepte un transfert hors la commune de Aïn Benian», assure l'association. La restructuration devrait entre réalisée progressivement et par étapes. Pour cela, le site a été départagé en huit lots d'habitations. Selon les résidents, les autorités peuvent entamer les travaux là où elles le souhaitent. Encore faudrait-il que la wilaya déléguée approuve le plan de restructuration.