Le kamikaze qui s'est fait exploser devant la caserne de Nema, au sud-est de la Mauritanie, a fait partie des terroristes que le Mali a élargis en contrepartie de la libération des otages canadiens. D'une extrême gravité, l'acte justifie les craintes d'une multiplication des attentats terroristes dans les pays sahélo-sahéliens, notamment après le versement d'une rançon de 7 millions d'euros par l'Espagne à Aqmi. L'auteur de l'attentat kamikaze survenu dans la nuit du 24 au 25 août dernier devant la caserne militaire de Nema, au sud-est de la Mauritanie, a été formellement identifié par les services de sécurité de ce pays comme étant Ould Yarba, un des terroristes libérés par le Mali en échange de la libération, en avril 2009, des deux diplomates canadiens et d'un couple de Suisses. Des sources au Mali et en Mauritanie révèlent que cet individu, de nationalité mauritanienne, originaire de Kiffa, avait été arrêté en 2008, dans une mosquée de Tombouctou, par une unité militaire malienne pour activités terroristes et subversion. En avril 2009, il est échangé, en même temps que d'autres terroristes d'Aqmi, contre les otages canadiens Robert Fuller, envoyé spécial des Nations unies au Niger, et son adjoint, Louis Guay, ancien ambassadeur du Canada au Gabon, enlevés le 14 décembre 2008 alors qu'ils visitaient une mine d'or à l'ouest de la capitale nigérienne Niamey. Ould Yarba été libéré en même temps que Tayeb Ould Sidi Ali, Hammada Ould Mohamed Keirou et l'Algérien Belkacem Zaidi, alias Abou Oussama. Trois mois après sa libération, Ould Yarba avait monté un commando constitué de plusieurs terroristes, dont la mission était d'éliminer Lamana Ould Elbou, ce même officier qui l'avait arrêté une année plus tôt à Tombouctou. Le 10 juillet 2009, grâce à ses nombreuses complicités, le groupe entre dans la ville et exécute froidement l'officier malien. La presse, l'opposition et les notables maliens avaient, à l'époque, crié au scandale en appelant le gouvernement à plus de fermeté contre les rebelles (touaregs) et les islamistes qui se jouaient, disaient-ils, de la souveraineté nationale. Ould Yarba avait rejoint les rangs d'Aqmi en 2005. La même année, il s'est illustré en participant à des attentats particulièrement meurtriers contre des unités militaires maliennes et algériennes. L'homme, dit-on, avait participé à la bataille d'el hadjira, en territoire algérien. Il a également pris part à des escarmouches ayant opposé les groupes terroristes d'Aqmi à des touaregs du nord du Mali. Terreur et argent font bon ménage Quelques heures après la libération des deux diplomates canadiens détenus en otages par Aqmi, le premier ministre canadien, Stephen Harper, avait indiqué que la position canadienne est «toujours de négocier», sans accepter le versement de rançon ou l'échange de prisonniers. Les Suisses ont également développé le même discours. Idem pour les Français et les Espagnols qui refusent de reconnaître le montant des rançons qu'ils ont versées contre la libération de leurs ressortissants. Dans les faits, et grâce à l'intermédiation de notables nigériens, maliens, mauritaniens, voire d'officiels burkinabés, d'importantes sommes en devises fortes ont été remises par les autorités de ces pays aux groupes d'Aqmi. Et l'on sait à quoi cet argent est destiné. Le plus grave, fait remarquer un intellectuel mauritanien, pour Aqmi et les autres groupes terroristes affiliés à la nébuleuse Al Qaïda, il ne s'agit pas seulement d'avoir beaucoup d'argent ; il faut aussi et surtout disposer d'exécutants suffisamment convaincus et donc capables de frapper les cibles qui lui sont hostiles, en particulier les intérêts de pays occidentaux qui lui ont déclaré la guerre. Si Aqmi a toujours revendiqué, en plus des rançons, la libération de ses éléments emprisonnés au Mali ou en Mauritanie, ce n'est certainement pas pour des raisons philanthropiques mais bien pour la réalisation de ses objectifs, quitte à les transformer en bombes humaines, à l'exemple de Ould Yarba. L'intellectuel mauritanien résume sa pensée par cette question qui mérite d'être rapportée : «Si demain Bowbe Ould Nafé se fait exploser en emportant avec lui quelques citoyens français, que devrons-nous penser de la France et de Pierre Camatte ?» Le sieur Bowbe n'est autre que ce terroriste mauritanien «formé pour frapper l'ambassade de Mauritanie et les intérêts français en Mauritanie», que le Mali a libéré en compagnie d'autres activistes islamistes en échange de la libération de Camatte.