Un enfant de Fouka, convoyeur de son état, est jugé à Koléa pour deux graves délits qu'il tente de mettre sur le dos de problèmes familiaux qui l'ont poussé à acheter de la drogue et à sniffer. Le juge n'est pas emballé par le prétexte. Il le dit même pourquoi avec quatre grammes, il y a beaucoup de joints à rouler. Cela dépasse l'entendement pour la présidente de la section correctionnelle du tribunal de Koléa qui opère sous l'autorité de la cour de Blida, cour noyée par ce fléau : le trafic de drogue et ses malheureuses conséquences pour nos jeunes livrés à de sinistres revendeurs qu'on n'arrive jamais à prendre la main dans le sac. Ce sera d'ailleurs une autre occasion pour le représentant du ministère public de passer un de ces savons à Farid qui voulait sauter sur un tapis «volant» à destination de... Baghdad. Mais le travail de sape des deux avocates qui s'étaient succédé à la barre a dû avoir raison du mini-réquisitoire où le parquetier s'était étalé sur le récidiviste. Les deux avocates avaient été percutantes en reconnaissant sans sourire que leur jeune client avait certes un casier à... trois tonnes mais en matière d'usage de drogue, il n'y a pas de récidive. Un passionnant procès qui aura tout de même permis à la juge d'aller au plus profond des débats, car l'inculpé était détenu, et il s'agissait de le tirer des griffes de l'incarcération, le jeune qui mérite une perche tendue juste pour lui donner une leçon : «Infligez-lui deux ans de prison comme l'avait demandé le ministère public mais assortis de sursis», avait balancé Me Kadi qui sera satisfaite, car ce fut le verdict. Farid M., vingt ans, né à Fouka, convoyeur dans un bus privé comparaît pour détention et usage de stups, quatre grammes et demi de chira traitée. Les mains derrière le dos, le détenu parle d'emblée de problèmes «familiaux» tout en ignorant que le président de la section correctionnelle de Koléa (cour de Blida) avait sous les yeux le casier. N'importe quel juge du siège a sous les yeux effectivement le «passe judiciaire de l'inculpé du jour. Ce n'est pas par plaisir que le magistrat parcourt des yeux le casier. Oh ! Que non ! Il ne cherche que la récidive. Et la récidive est prévue pour le respect de la loi. Donc lorsque le président informe l'inculpé qui est jugé ce jour, il lui pose une seule question : «Aviez-vous déjà affaire à la justice ? Aviez-vous déjà été incarcéré»? «Deux ans fermes pour chacune des deux inculpations», balance, comme pour se débarrasser de ce dossier clair comme de l'eau de roche, Samir Hamel, le représentant du ministère public visiblement à l'aise ce dimanche, un dimanche plus froid que l'audience correctionnelle. Me Hayet Kadi, son avocat, aborde de suite l'aveu de son client au casier chargé certes mais non récidiviste en matière de détention de stups. «Oui, monsieur le président notre client avait été pris avec de la came, mais il en est à son premier délit dans de domaine. Il est déjà victime d'un vice. Qu'il ne soit pas victime aussi d'une méprise», avait clamé maître Kadi qui avait assuré le tribunal qu'elle n'allait pas lui faire perdre son temps et donc être aussi brève que possible, pensant que sa cadette qui attendait son tour pour casser la baraque allait être à la hauteur de la réputation des avocats de Koléa. La seconde avocate, maître Ilhem Bennour s'avance pour apporter de l'eau dans le moulin de son aînée, maître Kadi une vraie complice dans la manière d'aborder un procès surtout devant ce jovial mais redoutable Barik qui n'est jamais tendre avec les amateurs de «sniffer» ou ceux qui détiennent de la came, ou encore ceux qui s'amusent à en commercialiser, maître Bennour a eu ce réflexe de rafraîchir la mémoire du président autour de ce fameux casier plus que chargé mais avec ceci de particulier. «Il n'en est qu'à sa première en matière d'usage de drogue, martèle le défenseur qui verra Hadj Rabah sourire et rassurer les deux avocates brunes que le tribunal savait que la récidive n'y était pas. Maître Bennour ne s'aperçoit pas que les rides qui creusaient son front avaient fondu comme neige au soleil alors que le beau regard de sa consœur maître Kadi avait retrouvé ce clair qui donne aux yeux une lecture d'une profonde satisfaction quant à la position du président qui ignorait que le représentant du ministère public était demeuré de glace. C'est un respectueux de la souveraineté du juge du siège. Il n'est redoutable que lorsqu'il se lève pour enfoncer tout inculpé qui n'a aucune chance de s'en tirer de sitôt. «Je ne recommencerai plus», avait assuré le détenu qui allait retrouver sa famille le soir tombé, car il a certes été condamné, mais au sursis. Quelle veine !