En lançant un avis d'appel d'offres international restreint pour sélectionner un expert international devant l'accompagner dans l'opération d'acquisition de la société Orascom Télécom Algérie (OTA), le gouvernement algérien vient de reconnaître, selon un expert, son «impuissance» dans la gestion de l'affaire Djezzy, qualifiée de complexe et d'embrouillée. Après le black-out imposé sur le dossier, le gouvernement algérien a répliqué à la menace de poursuite judiciaire lancée par le groupe russo-norvégien VimpelCom en faisant appel à des banques d'affaires et à de cabinets d'expertise internationaux spécialisés pour trouver les moyens légaux permettant à l'Etat de faire valoir son droit de préemption quant au rachat de Djezzy. De l'avis de Abderrahmane Mebtoul, expert algérien en économie, l'Etat algérien revient ainsi à la première démarche, puisqu'il avait fait déjà appel à un cabinet d'expertise international auparavant, avant de le décommander et de confier par la suite le dossier à un cabinet local, «Hadj Ali», qui avait sous-traité avec deux sociétés étrangères. L'expert estime que ce dossier est relativement complexe, particulièrement lorsqu'on sait que cette affaire risque d'engendrer une perturbation dans les relations entre les deux Etats russe et algérien, du fait que le propriétaire du groupe Vimpelcom est très proche du président russe Dmitri Medvedev. «Je pense, dit-il, qu'il faut d'abord comprendre le mécanisme boursier international. L'Algérie ne peut pas s'opposer aux transactions boursières internationales.» Selon lui, «tout ce que l'Algérie peut faire, c'est de mettre en place une loi de régulation qui oblige tout opérateur à avertir l'Autorité de régulation de la poste et des télécommunications (ARPT) de tout changement opéré». «Ce qui me désole, poursuit-il, c'est que l'affaire commerciale a été reprise par les politiques, alors qu'il fallait laisser l'autorité de régulation faire son travail.» M. Mebtoul estime que notre gouvernement pourra trouver une manière légale de faire valoir ses droits si Sawiris, propriétaire d'OTH, a omis d'exprimer une demande officielle de cession de son entreprise à l'ARPT, laquelle doit lui notifier une réponse claire dans les deux mois qui suivent cette demande avec accusé de réception. Plus explicite, il affirme que, selon le contrat conclu en 2002-2003 entre OTH et l'ARPT, l'accord de l'ARPT est obligatoire pour la conclusion de toute transaction. L'ARPT doit répondre dans les délais fixés dans les clauses du contrat, souligne-t-il, ajoutant que «c'est un élément très important pour la partie algérienne car, en dehors de cela, l'Algérie ne peut pas s'opposer aux transactions internationales, comme il a été le cas dans l'affaire de la cimenterie qu'Orascom a revendue à Lafarge». Selon toujours la même source, le groupe russe peut lui aussi opérer un avis d'appel d'offres à destination des cabinets d'experts internationaux. M. Mebtoul souhaite que les deux pays trouvent «un consensus» à l'amiable, au lieu d'aller éventuellement devant un tribunal international et revivre la même expérience que Medgaz (affaire ayant opposé les gouvernements algérien et espagnol). Selon les explications fournies à un confrère par le professeur Bouchakor, «le pire des scénarios qui puisse arriver est que plus personne ne veut racheter Djezzy. On peut déduire à partir de là que le groupe VimpelCom risque fort de se retrouver avec une entreprise maudite qu'il n'aurait certainement pas dû acquérir s'il se doutait qu'il va la garder sur les bras». Il conclut que «la pire des réponses que puisse faire la partie algérienne, c'est de renoncer à acquérir Djezzy, quel que soit le prix et quel que soit l'interlocuteur. Si ce scénario se confirme, Alexander Izosimov, le patron du groupe russe propriétaire de l'ex-filiale égyptienne, aura fait la plus mauvaise affaire de sa carrière». Le professeur Bouchakor pense que l'Algérie peut trouver une échappatoire en anticipant son coup, au lieu d'attendre la réaction de la partie russe, qui peut faire la concession en envoyant une délégation de négociateurs OTH (comme l'exigent les Algériens), mais composée d'une équipe russe mandatée par le groupe VimpelCom. Selon lui, «pour sauver la face, il reste aux responsables algériens de se montrer plus stratèges que les Russes».