La crise qui secoue le Front de libération national (FLN) n'est pas prête de connaître son épilogue. Même si elles affirment ne pas constituer ce qui est désormais appelé le clan des redresseurs, les personnalités influentes de ce clan, à l'image du ministre de la Formation professionnelle, El Hadi Khaldi, des députés, Mohamed Seghir Kara et Salah Goudjil, étaient unanimes à dire hier que le mouvement ne fait que s'amplifier, accusant Belkhadem de dévier de la ligne fondamentale du parti. Ils l'accusent de vouloir donner sur un plateau le parti aux «affairistes de tous bords».«Belkhadem nous accuse d'être des missionnaires. Lui peut-être a exercé cette fonction, pas Khaldi, qui est recteur d'université et docteur en économie pour qui il est impossible d'être missionnaire pour quiconque et Belkhadem le sait très bien. Ça m'écœure de voir le parti sortir de son cadre», tranche d'emblée Khaldi, en marge des débats sur la déclaration de politique générale du gouvernement. Même s'il tempère un peu le ton par la suite, affirmant que «ce n'est ni une attaque sur la personne du SG, encore moins une tentative de déstabiliser le parti, dans la mesure où nous avons identifié les problèmes et tiré la sonnette d'alarme», Khaldi qui refuse de parler de mouvement de redressement proprement dit affirme vouloir attirer l'attention du bureau politique actuel sur les dépassements au sein du parti qui sont d'ordre organisationnel, tout d'abord, mais avec une visée politique. «Nous lui avons signifié clairement qu'il y a déviation au sein du FLN, primo, concernant les renouvellements des structures dans le cadre de la loi fondamentale du parti et de son règlement intérieur», dit-il, avant de s'indigner : «On ne renouvelle pas les bureaux dans l'ombre, tout de même.» Réclamant des assemblées générales conformes aux urnes, le ministre refuse que le FLN «soit la propriété d'une poignée d'affairistes». «Que des affairistes accaparent le parti, nous le refusons catégoriquement», tonne-t-il, réfutant l'information selon laquelle le président de la République se serait penché sur l'affaire. «Il faut savoir aussi que le président de la République n'a rien à voir avec cette crise. Il est loin de tout cela. C'est une affaire interne et qui le restera», précise-t-il, tout en affirmant que le groupe des redresseurs a pris l'initiative de remédier à la crise. «Notre parti a besoin plus que jamais de réorganisation pour être prêt pour les scrutins à venir», fait-il remarquer, signalant que «la direction actuelle doit écouter l'intifadha des militants». Interrogé sur la possibilité d'un congrès extraordinaire, le ministre répond qu'il en «parlera au moment opportun». «Pour le moment, nous posons les problèmes fondamentaux.» 40 à 50 membres du comité central corrompus A une question de savoir pourquoi les problèmes sont posés en dehors des structures du parti, Khaldi dira : «C'est parce que les portes nous sont fermées. En tant que dirigeants, nous avons en face les mêmes problèmes que nos militants de base. On n'avait de choix que de sortir de notre mutisme à travers des déclarations à la presse», confirme-t-il, suggérant à Belkhadem d'agir comme ses prédécesseurs dans la gestion de tels problèmes, il menacera toutefois : «S'il ne répond pas, nous allons nous réunir et prendre des décisions». Mohamed Seghir Kara révélera pour sa part qu'entre 40 et 50 membres du comité central «sont accusés de corruption morale et matérielle». «Le comité central ne doit pas être élu avant que les résultats des enquêtes du ministère de l'Intérieur ne soient connus», précise-t-il, affirmant avoir alerté le SG à ce sujet. «Il y a un manquement flagrant au règlement intérieur», rappelle le député de Bouira qui s'interroge dans le même sillage. «Comment expliquer que des pseudos militants n'ayant même pas justifié d'une année de militantisme se retrouvent aujourd'hui au comité central alors qu'il faut justifier de dix années de militantisme pour pouvoir y accéder ?» Pire, des invités et des militants d'autres partis y siègent également, selon Kara. Réitérant son appel à la constitution d'un directoire qui aura pour mission de résoudre la crise, Salah Goudjil abonde dans le même sens et affirme que le problème principal est la non-application de la loi fondamentale et le non-respect des règles d'élections au comité central. «Nous ne demandons que l'application des lois», rappelle encore Kara, indiquant que le groupe va se concerter pour arriver à «constituer soit un bureau ou un groupe qui va coordonner les actions avec l'ensemble des wilayas», affirmant que cette demande émane de la base. «Nous voulons sortir le parti de la griffe des affairistes», soutient-il, accusant Belkhadem d'appliquer «l'organigramme du Parti national égyptien et constituer un secrétariat basé sur les affairistes». «Il veut nous submerger de ‘s'hab chkara' qui nous imposeront leur diktat», soutient Kara avant d'indiquer ironiquement que Belkhadem «n'a même pas su choisir de vrais hommes d'affaires». Le feuilleton ne fait que commencer.