Le bidonville de oued Khemisti a vu le jour au début des années 1970. Depuis, aucune opération de relogement n'a été projetée au profit des habitants de ce lot de baraques. Situé à la sortie de Bousmaïl et en amont de Khemisti-marine, à l'est de la wilaya de Tipaza, le bidonville de oued Khemisti est l'un des plus anciens recensés sur le territoire de l'actuelle wilaya de Tipaza. Il date du début des années 1970 et dépend administrativement de la commune de Bousmaïl. Quarante ans plus tard, ses habitants connaissent le même douloureux quotidien. Les conditions de vie sont atroces et difficiles. Elles rappellent les tristes années de misère d'avant l'indépendance. Plus de 240 familles y résident. D'année en année, les jeunes de Bousmaïl et de Kemisti-marine, une fois en âge de se marier, construisent des baraques de fortune pour fonder un foyer. Ce sort est similaire à tous les jeunes mariés et se perpétue de génération en génération. Ammi Ahmed est l'un des premiers à avoir occupé une parcelle jouxtant l'oued en question. Il a construit une petite maison. Crise de logement et manque de programme d'habitation, cette situation a contraint des centaines de jeunes de sa commune à suivre son pas. Ainsi, tel une favela, les baraques sont construites l'une près de l'autre, sans conduites ni assainissement, et bien évidemment sans raccordement ni au gaz ni à l'eau potable. Pour s'approvisionner en précieux liquide, les habitants sont obligés de remplir des bouteilles de plastique et des jerricans au niveau de la seule source du périmètre. Dernièrement, un laboratoire d'analyses a révélé que l'eau de cette source est impropre à la consommation. Raison pour laquelle, les habitants du bidonville, du plus jeune au plus vieux, soupçonnent ce point d'eau d'être à l'origine des nombreuses maladies qu'ils ont contractées. Mais le malheur réside dans l'accumulation de détritus. Les éboueurs ne passent jamais dans le coin. Logements aux nouveaux débarquées, les enfants de Khemisti oubliés L'oued, qui passe devant chaque de maison, semble dire aux habitants du bidonville qu'il est le propriétaire des lieux. Mais ces derniers n'ont guère le choix. Ils n'ont pas où résider, hormis de s'abriter au milieu des bambous méditerranéens. D'après leurs dires, et c'est une coutume de l'administration de notre pays, les dossiers de logements ont maintes fois été déposés au niveau de Bousmaïl. La réponse est toujours la même. «Attendez», leur dit-on. Les dires de ceux avec qui nous avons entamé la visite au cœur de ce bidonville ne peuvent être des canulars, puisque au sein même de ce gourbi, résident des agents communaux de la mairie de Bousmaïl. Ils affirment que le recensement des habitants n'est effectué que lors des campagnes électorales. Kamel E., l'un des habitants du bidonville, affirme que «les dossiers de demandes de logement sont constamment renouvelés». «La dernière fois, ils nous ont dit (la mairie) que nos dossiers sont à la daïra et que c'est à l'intérieur de cette enceinte que blocage il y a». Si le logement est un droit universel, pour les habitants du bidonville de Khemisti, il est octroyé selon «le faciès et le pouvoir de la poche». D'après leurs dires, «de nouveaux débarqués dans le secteur de Bousmaïl et de Khemisti ont bénéficié de logements au lendemain de leur arrivée. Alors que nous, nous ne demandons pas l'aumône. Nous voulons bénéficier d'habitations décentes et nous sommes prêts à les payer par mensualité. Vous savez, ici il y a de tous les profils socioprofessionnels. Il y a même des policiers et agents de la protection civile qui vivent dans ce bidonville avec femmes et enfants», nous déclare Khaled, un jeune trentenaire en chômage qui se débrouille en vendant le bambou aux jardiniers. Des filles emportées par l'oued Au moment des fortes pluies, l'oued Khemisti qui traverse l'ensemble du bidonville emporte tout sur son passage. «Les évacuations par lesquelles les eaux doivent être évacuées sont bouchées depuis des années. La mairie ou les services concernés n'ont pas trouvé utile de les réparer. A chaque averse, les eaux ne pouvant se déverser ailleurs, pénètrent dans les maisons. Une fois, deux filles de 10 et 12 ans ont été emportées. Dieu merci, un jeune les a sauvé in extremis», raconte amèrement Mourad, un jeune qui n'a connu que le bidonville dans sa vie. Autre malheur, les enfants de ce ghetto sont victimes de toutes sortes de maladies, notamment l'asthme. «Les égouts et les odeurs nauséabondes ont aveuglé notre petit voisin. Les microbes et la poussière nous tuent à petit feu», raconte cet autre jeune de cette «cité» oubliée, visiblement où tous les malheurs du monde y ont pris racine.