Un jeune de vingt-deux printemps a été interpellé du côté de la Glacière avec quatre grammes de came. Le parquet le poursuit pour détention, usage et commercialisation de drogue, un délit que nos juges combattent avec rigueur, car ce fléau prend de dramatiques proportions surtout que les dealers visent la jeunesse, et ce jeune est... jeune, donc victime des dealers. Son avocat va plaider juste, et il a plaidé juste, ce qu'il faut pour convaincre la redoutable juge d'El Harrach (cour d'Alger). Ce Lassoued est en réalité un sniffeur banal qu'avait acquis quatre grammes de came auprès d'un certain Djamel de La Montagne du côté de Bachdjarrah, un Djamel jamais arrêté, ni entendu, ni écroué, ni jugé. Lassoued R., 22 ans, a une table à tabac, il est pris avec quatre grammes de came et une grosse somme d'argent, ce misérable revendeur risque gros, car il est poursuivi sur la base de la loi n°04-18 du 25 décembre 2004, relative à la prévention et à la répression de l'usage et du trafic illicites de stupéfiants et de substances psychotropes, une loi qui, depuis six années presque, n'est pas encore bien appliquée. Selma Bedri, la présidente de la section pénale d'El Harrach, a le beau rôle. Outre le pouvoir discrétionnaire de croire ou pas ce que racontent ceux qui sont interrogés à bon escient, elle doit avoir des preuves pour infliger telle ou telle peine de prison, lorsque c'est le cas du trafic de drogue et lorsque l'inculpé du jour a un casier. Elle prend toutes les dispositions pour mettre hors d'état de nuire, au nom de la loi, tout individu qui joue avec la liberté et l'honneur des gens. Ici il s'agit de préserver les jeunes. Sept ans d'emprisonnement ferme à l'encontre de Lassoued qui reconnaît la détention et l'usage de la drogue et non la commercialisation. - «Oui madame la juge, je me mets à table pour ce qui est de sniffer et d'avoir eu sur moi quatre grammes de drogue, mais jamais je n'avais pensé en revendre à qui que ce soit.» Maître Meftah, l'avocat de Lassoued R., va justement jouer sur l'expression sortie de la bouche de son client, que nous reprenons pour une meilleure compréhension. Elle est brève mais percutante : «Madame la présidente, ce détenu vient de vous signaler qu'il n'avait pas l'intention de revendre la drogue, qu'il a acquise pour ses besoins, à qui que ce soit. Pour qu'il y ait délit de trafic de drogue, de commercialisation, il faut que l'on ramène ici à la barre les clients surpris en train de régler rubis sur l'ongle le dealer ! Non madame la présidente, ce n'est pas un dealer. Les dealers sont ailleurs. Punissez-le en l'aidant à se soigner plutôt que de l'enfermer avec d'autres dealers, des vrais ceux-là.» Un ton léger certes, mais déterminant. L'avocat était bien déterminé, car il avait raison de défendre ce malade, pas un trafiquant, et même la présidente avait suivi puisqu'elle a infligé un six mois de prison ferme pour détention et usage de drogue, balayant au passage le grave délit de trafic de came. En attendant, ce sont nos jeunes, des collégiens, lycéens et étudiants, qui forment le gros des victimes poussées à l'accoutumance d'abord puis au trafic proprement dit, une pratique qui, il n'y a pas longtemps, était rattrapable. Hélas, de nos jours, cela relève du miracle.