Les avis demeurent partagés sur les révélations de WikiLeaks, beaucoup estimant que les notes diplomatiques américaines n'apportent rien de nouveau que l'on ne sache déjà. A moins d'une intention de nuire à quelques pays, dont les USA. Que l'Iran représente une menace pour les pays arabes du Golfe et que leurs dirigeants aient sollicité des Américains une intervention militaire, cela les arabes et leurs voisins perses le soupçonnaient déjà. Que l'Emir du Bahrein ait critiqué les performances du chasseur Rafale, estimant qu'il est dépassé du point de vue technologique, les Français ne le savaient peut-être pas, mais la firme Dassault, elle, a bien compris qu'elle ne pourra jamais placer son appareil dans cet Etat. Que le Premier ministre britannique soit méprisé par le gouverneur de la Banque du Royaume Uni, cela va peut-être nuire à leurs relations, mais cette indiscrétion ne saurait influer sur le cours de la livre sterling. Que Sarkozy soit décrit comme une personne susceptible et autoritaire, ses collaborateurs – et les Français qui l'ont élu – ont dû le remarquer il y a un certain temps déjà, et ce ne sera pas la divulgation d'une note diplomatique américaine qui le dissuadera de changer sa manière de faire la politique. Mais des révélations fracassantes, qui risquent de chambouler les rapports diplomatiques mondiaux, ou de provoquer le cataclysme auquel s'attendait le créateur du site Wikileaks, il n'y en a pas eu beaucoup. Du moins, pas autant que l'espéraient les publics des pays concernés par le grand déballage médiatique planétaire promis par M. Assange. La presse française condamne En France, où la classe politique est surtout préoccupée par l'affaire Karachi, la divulgation des notes diplomatiques américaines s'apparente plutôt à de l'irresponsabilité. Passée la stupeur des premiers moments, et au vu des «secrets» révélés jusque-là, la presse à grand tirage n'a pas hésité à ouvrir le feu sur ce qu'elle considère comme un acte de malveillance et d'exhibitionnisme inquiétant, dixit Pierre Rousselin dans Le Figaro qui considère que «les ayatollahs de la transparence s'égarent et trompent leur monde». Laurent Joffrin pense, dans Libération, que «dans un monde traversé par des conflits violents, un Etat a le droit de conserver ses secrets défense, de discuter avec ses alliés ou ses adversaires dans la discrétion et même de monter certaines opérations spéciales». Il est rejoint dans son point de vue par Dominique Quinio, du quotidien La Croix, qui considère que «La transparence absolue est un leurre». Pour cet éditorialiste, ce n'est pas le secret qui est par essence maléfique, c'est plutôt l'usage qu'on en fait qui peut être dévoyé. Vosges Matin prévient que «la transparence absolue peut vite basculer vers le totalitarisme», alors que L'Est Républicain craint que les nouvelles technologies puissent tuer le secret et mener peut-être à «une transparence despotique». Et si Paris Normandie pense que «tout cela est de peu d'intérêt», Ouest France est effaré par ce qu'il compare à «une cyber-attaque en règle, une attaque asymétrique qui laisse pantois, puisque la première puissance militaire et technologique du globe n'est pas en mesure de préserver ses propres documents». Quelques rares journaux sont cependant d'avis contraire : Les Dernières Nouvelles d'Alsace écrit que «les fuites de WikiLeaks concourent aussi à la dignité de notre condition». C'est aussi «une dimension de l'affranchissement des hommes à l'égard des pouvoirs» et «une résistance aux multiples tentatives de manipulation par les gouvernants». Une autre façon de faire de la diplomatie Des diplomates américains compromis par Wikileaks estiment que la divulgation de leurs notes va les contraindre dorénavant à changer leur manière de faire de la diplomatie. Et leurs partenaires, illustres visiteurs et convives, de faire preuve de plus de discrétion dès qu'ils mettent un pas dans une chancellerie US. La Presse de la Manche fait valoir qu'à l'avenir, «les échanges seront encore plus secrets entre les diplomates». Le Républicain Lorrain, lui, estime que le comportement de Wikileaks «privera désormais les dirigeants des grandes démocraties d'un élément capital d'aide à la décision». Partagée sur les véritables intentions de Julian Assange, le créateur du site Wikileaks, la presse internationale craint que le seul but de ce déballage mondial soit de contrarier les Etats-Unis d'Amérique. Sans plus, car à quoi sert-il d'étaler sur la place publique les appréciations d'un général américain qui ne partage pas l'opinion de l'Administration Obama, sinon de le mettre à l'aise et l'obliger à démissionner, écrit Anne Applebaum sur le site Slate. Pour d'autres Etats mis à mal dans cette affaire, la divulgation des notes diplomatiques américaines est un acte prémédité. L'Iran en veut pour preuve la volonté maladive des Etats-Unis et d'Israël de nuire à ses relations avec les pays arabes.