L'enquête, réalisée à l'initiative du prestigieux institut Real El Cano de Madrid et publiée hier matin par la plupart des journaux espagnols à grand tirage, fait état de l'aggravation de la situation des droits de l'homme dans le monde. Elle fait ressortir surtout que le gouvernement Zapatero suit une politique extérieure fondée sur des relations «privilégiées» avec certains régimes politiques étrangers jugés infréquentables aux yeux de l'opinion publique espagnole. Une image négative Selon ce baromètre de la politique étrangère, «80% des Espagnols ont une mauvaise image du régime politique marocain». La majorité des Espagnols ont, aussi, de bonnes raisons de jeter un regard négatif sur leur propre gouvernement, présidé par les socialistes depuis avril 2004, pour sa politique en direction de Rabat. Ils reprochent à Zapatero son manque de fermeté face à son voisin du sud qui menace, comme il vient de le faire au début du mois courant, de brandir l'arme du chantage à travers la revendication de sa souveraineté sur les «deux villes occupées» de Ceuta et Melilla. Ou encore, dans la foulée des crises épisodiques entre les deux pays, de faire preuve d'un évident laxisme dans le contrôle des flux migratoires clandestins en direction de l'Espagne. C'est toutefois la situation qui prévaut au Sahara occidental qui dévaloriserait le plus l'image du Maroc aux yeux des Espagnols. Leur sévère opinion n'est pas inédite car, en fait, la société espagnole ne s'est jamais remise de la mauvaise conscience d'avoir abandonné à son sort le peuple sahraoui à la suite de l'accord secret tripartite entre Madrid, Rabat et Nouakchott, du 15 novembre 1975, sur le partage du territoire sahraoui par le Maroc et la Mauritanie. L'effet Aminatu Haider L'image que les Espagnols ont du Maroc se serait particulièrement dégradée à cause de la situation qui prévaut dans l'ancienne colonie espagnole occupée, particulièrement depuis la grève de la faim de 33 jours entamée par Aminatu Haider, en novembre 2009, pour protester contre son expulsion d'Al Ayoune vers Lanzarote, pour avoir refusé de se reconnaître comme «citoyenne marocaine», comme les autorités marocaines l'exigent de tous les Sahraouis. Cette dégradation s'est encore aggravée depuis le 8 novembre, lorsque les forces de police marocaines ont violemment pris d'assaut le camp de toile de Gdeim Izik. Dans la liste des pays qui sont coupables de violations des droits de l'homme, le Maroc arrive donc, selon ce baromètre de la politique extérieure, dans «le lot de tête», aux côtés de l'Iran ou de la Chine, des pays qui enregistrent le plus grand nombre d'exécutions de la peine capitale ou de Cuba, malgré le lancement par le gouvernement du président Raul Castro, en juillet dernier, du processus de libération des 75 dissidents politiques incarcérés depuis 2003. 39% des personnes interrogées se sont déclarées favorables à l'indépendance du Sahara occidental contre 8% qui sont pour le rattachement du territoire sahraoui au Maroc alors que le reste ne se prononce pas ou n'a pas d'opinion sur cette question. Malgré les résultats de ce sondage assez révélateur sur l'inconséquence de ses relations politiques avec des régimes «infréquentables», Zapatero continue de ramer à contre-courant de l'opinion publique dans son pays, souvent même contre la volonté des militants de base de son parti qui ne s'accommodent plus de son soutien au plan d'autonomie marocain pour le Sahara occidental. «Partialité active !» Les députés, toutes tendances politiques confondues, l'ont fait observer, une fois de plus, à la ministre des Affaires étrangère et de la Coopération, Mme Trinidad Jimenez, durant son passage mercredi devant la Commission des Affaires étrangères à l'occasion de la session du contrôle hebdomadaire de l'action du gouvernement par le Congrès des députés. En réponse aux critiques formulées par les parlementaires envers la position du gouvernement socialiste qui est passée de la «neutralité active» à la «partialité active» en faveur du Maroc, selon l'expression du député communiste Gazpar Llamazares, Mme Trinidad Jimenez a vainement tenté d'expliquer, sans convaincre grand monde, ni la gauche, ni l'opposition conservatrice, que son gouvernement «ne soutient pas le plan d'autonomie marocain» pour le Sahara occidental mais «apporte une contribution active à la rechercher d'une solution qui soit juste, équilibrée et mutuellement acceptable, sans prendre parti pour l'une ou l'autre partie», impliquées dans ce conflit. «Impressions ou mission ?» Cette réponse a conduit le député Gustavo de Arestegui, du Parti populaire, la plus importante force d'opposition qui devrait accéder au pouvoir en 2012, selon tous les sondages, à ironiser, de son côté, sur «le respect des droits de l'homme à la carte» par les socialistes, en allusion au silence observé par l'Espagne sur les massacres de Gdeim Izik. La presse, de son côté, ne rate plus une seule apparition publique de Mme Jimenez sans la relancer sur les révélations de WikiLeaks, à partir des câbles du département d'Etat américain, confirmant l'alignement de Madrid sur les thèses marocaines. «Nous refusons de commenter les impressions que les ambassadeurs font à leur administration centrale», a-t-elle dit. La réplique de l'ex-ambassadeur américain à Madrid, Eduardo Aguirre, n'a pas tardé : «Les ambassades ne livrent pas des impressions mais réalisent des missions.»