Les gardes-côtes de la gendarmerie espagnole ont intercepté vendredi à l'aube, au large des côtes d'Alicante, une patera (embarcation de fortune) avec 12 occupants, tous se disant de nationalité algérienne, parmi lesquels vraisemblablement un mineur qui, à la différence du reste de ses compagnons de voyage, ne sera pas expulsé les jours à venir. L'embarcation qui dérivait depuis trois jours après son départ d'une plage de la région d'Oran a été remorquée par une vedette de la gendarmerie jusqu'au port de pêche de Torrevieja, à l'est d'Alicante. Un spectacle devenu depuis quelque temps assez familier dans cette ville côtière à forte concentration maghrébine. A l'accueil, outre les curieux, il y avait bien sûr des brigades de la police du service étrangers, la presse locale et les équipes de la Croix-Rouge espagnole. Selon les secouristes qui leur ont fourni couvertures et vivres, toutes ces personnes, qui paraissaient en bonne santé, présentaient toutefois «des signes de faiblesse en raison de la baisse de leur niveau de glucose et d'une certaine hypothermie selon les cas». Les 12 harraga ont déclaré aux secouristes «avoir manqué de vivres» depuis le premier jour de leur départ et n'avoir eu plus rien à manger pendant trois jours. La traversée ne devait durer que dix à douze heures. Pourquoi une traversée en plein hiver ? Pourquoi ont-ils choisi le mois décembre pour effectuer cette traversée qui présente déjà des risques immenses en période de beau temps ? Inconscience ? Folie ? Les organisateurs ont leur idée. Les fêtes de fin d'année, les grandes villes espagnoles commencent à se vider et les administrations comme les entreprises tournent au ralenti. «Es un muy mal día» (c'est un mauvais jour), se voit répondre le citoyen pressé de se faire établir un document ou obtenir un service, à la veille des départs pour les week-ends prolongés. L'administration baisse la garde pour toutes les activités non prioritaires, mais élève le niveau d'alerte généralement à ces périodes spéciales pour prévenir la seule menace terroriste. C'est donc en cette période que les harraga algériens ont choisi de tenter l'aventure de la traversée vers l'Espagne. Or la surveillance côtière est depuis deux ou trois mois le fait du Sive (Système de surveillance électronique des côtes maritimes) qui nécessite peu de personnel technique. Pas une affaire de patrouilles mobiles le long des côtes. Un navire marchand passait par là Une première patera partie en début de semaine de la même région oranaise à bord de laquelle voyageaient 28 personnes, «tous des Algériens», selon les services de secours maritimes espagnols, a eu plus de chance de ne pas dériver et n'était plus mardi matin qu'à 20 milleq de Cabo de Gata, près d'Almeria, sa destination exacte. Pour le malheur de ces harraga, le bateau marchand Malta passait par là. L'alerte est donnée et une unité des garde-côtes va intercepter quelques heures plus tard leur embarcation et la remorquer vers le port d'Almeria. Le même comité d'accueil est là. Dans la même matinée, ces mêmes gardes-côtes venaient d'arrêter en haute mer 57 candidats à l'immigration clandestine, en majorité des Subsahariens, dont 3 femmes et 1 bébé. L'embarcation qui venait du nord du Maroc avait dérivé elle aussi plus vers l'est et la traversée vers Cadix qui devait se faire en très peu de temps durera quinze bonnes heures. Cette fois, l'alerte avait été donnée par le mari d'une femme marocaine qui se trouvait parmi les harraga. Le Sive et le chômage L'année 2010, ce sont au total cinq pateras d'Algériens qui ont été interceptées dans la région d'Alicante. La première l'avait été le 1er juillet 2010. Le gouvernement espagnol estime à 2200 le nombre des immigrés clandestins, toutes nationalités confondues, qui ont été arrêtés en 2009 au moment où ils tentaient de joindre les côtes espagnoles. Ils étaient 32 000 environ en 2006. Cette baisse est due à deux facteurs essentiels : l'efficacité du Sive et la crise économique qui a fait 2,5 millions de chômeurs supplémentaires (ils sont 4,8 millions actuellement) en seulement 3 ans. Ni la haute mer en plein hiver, ni le Sive, ni le chômage garanti en Espagne ne semblent toutefois décourager les harraga.