Les négociations d'hier matin entre des représentants de l'opposition, des personnalités indépendantes et le vice-président égyptien Omar Souleimane, seul fait nouveau depuis treize jours de révolte, semblent être un échec, avec le refus du vice-président d'assumer les pouvoirs du président Hosni Moubarak. C'était là un compromis entre le départ immédiat de Moubarak réclamé par les manifestants et la décision du raïs de rester au pouvoir jusqu'au terme de son mandat en septembre. Négociations par-ci, protestation par-là. La situation demeurait hier fébrile en Egypte même si Le Caire, fermé depuis plus d'une semaine, semble reprendre vie avec l'ouverture des magasins et des institutions bancaires. Création d'un comité de réformes Dimanche a été un autre jour de protestation en Egypte, notamment au Caire, à Alexandrie, à Suez et dans de nombreuses autres villes. Néanmoins, cette journée a été quelque peu «perturbée» par justement ces négociations. Comme pour justifier sa position, la confrérie a dit s'être «engagée dans un cycle de dialogue pour évaluer le sérieux des autorités en ce qui concerne les revendications de la population et leur volonté d'y répondre». Un comité de réformes et pour notamment préparer des amendements à la Constitution d'ici la première semaine de mars a été créé à l'issue de cette rencontre, selon le porte-parole du gouvernement. Cette réunion pouvant être un début de solution pour les Etats-Unis qui, embarrassés par le président Moubarak, ont exprimé leur soutien au dialogue engagé et «attendent de juger sur pièces les résultats». La Maison-Blanche, dont la position vis-à-vis de cet allié stratégique marque le pas, avec les déclarations de ses officiels vite «replacés» par les services de la présidence, témoigne de ce cafouillage. La Maison-Blanche avait appelé vendredi Moubarak à s'effacer le plus rapidement possible et Barak Obama, dans des entretiens samedi avec plusieurs dirigeants étrangers de la situation en Egypte, avait souligné la nécessité d'une «transition ordonnée, pacifique, qui commence maintenant». Dans la réunion de Souleimane avec des personnalités indépendantes, il a été question d'un règlement de la crise aux termes duquel il assumerait les pouvoirs présidentiels au cours d'une période de transition. Un semblant de reprise de vie au Caire Hier, dans plusieurs quartiers du Caire, de nombreux commerces ont rouvert ainsi que des routes et des ponts, la vie semble doucement reprendre son cours. Même les embouteillages sont de retour. Les banques ont également rouvert après une semaine de fermeture. Au total, 341 agences bancaires, dont 152 au Caire, devraient rouvrir dans la journée. Dans le quartier financier du Caire, les clients ont formé des files d'attente devant les agences pour avoir accès à leur compte. Néanmoins, sur le terrain de la contestation, la place Atahrir est toujours occupée par des protestataires dont plusieurs milliers ne l'ont pas quittée durant plusieurs jours. Hier matin aussi, l'armée a renforcé sa présence dans cette place et les soldats ont également pris position sur le pont 6 Octobre, qui avait servi aux pro-Moubarak pour attaquer les manifestants. Un hôpital de campagne, financé par des dons collectés via internet, a même été installé sur place pour soigner les blessés afin qu'ils retournent au plus vite sur la place. Cette révolte des jeunes a causé un important séisme au sein du régime dont les piliers se sont écroulés, selon un membre des frères musulmans, la plus importante force d'opposition en Egypte. Pour sa part, le raïs Moubarak a donné une forte impression de vouloir rester au pouvoir en tenant une réunion, la première depuis le limogeage le 29 janvier du précédent cabinet sous la pression de la rue, avec le Premier ministre Ahmad Chafic ainsi que le ministre du Pétrole, le chef de la Banque centrale et le ministre des Finances. Des scénarios de sortie pour Moubarak C'était là un signe fort de son refus de départ ou de sortie par la petite porte. Le raïs qui avait indiqué qu'il mourrait sur la terre d'Egypte, son pays, compte sur une sortie honorable et beaucoup moins fracassante de celle de l'ex-président tunisien Ben Ali, chassé par «la révolution tunisienne». Ainsi, les médias étrangers font état de plusieurs scénarios pour lui assurer une sortie digne. Le raïs pourrait aller dans sa résidence de Charm El Cheikh, ou partir pour l'une de ses habituelles cures médicales annuelles en Allemagne, qui serait cette fois prolongée. M. Souleimane pourrait alors former un gouvernement de transition. Aussi, le politologue Diaa Rachouane a indiqué qu'il avait été invité avec un groupe de «sages» à rencontrer Souleimane pour examiner des solutions fondées sur un article de la Constitution qui permettrait à Moubarak de céder ses pouvoirs à son adjoint. La Constitution prévoit normalement qu'en cas d'absence du président, l'intérim est assuré par le président du Parlement, et non le vice-président. Le raïs aurait une fonction symbolique durant la période intérimaire. Pour sa part, l'opposant le plus en vue, Mohamed El Baradei, qui comme le chef de la Ligue arabe, Amr Moussa, n'a pas exclu de se présenter à la succession de Hosni Moubarak, a souhaité discuter avec l'état-major afin d'organiser «une transition sans effusion de sang». La Russie lui a même demandé, via son ambassade au Caire, de chercher «une sortie de crise».