Suspension de la Constitution, création d'une commission pour son amendement, dissolution du Parlement, organisation d'un référendum sur les changements, la période transitoire sera de six mois, sont les mesures annoncées par le Conseil suprême des forces armées égyptien, qui sont en droite ligne avec les revendications du peuple. Le raïs égyptien parti, c'est toute la question de l'avenir de ce grand pays africain qui revient au-devant de la scène mondiale, où chacun y va de son avis et de ses pronostics sur le devenir du pays du Nil, dirigé par l'armée. C'est beaucoup plus des craintes qui sont émises par les Egyptiens eux-mêmes et par aussi la communauté internationale, inquiète de ses intérêts sur le sort de ce pays stratégique. L'armée, au pouvoir, comme pour couper court à toute spéculation interne, a réaffirmé samedi, au lendemain de la chute de Moubarak, qu'elle s'engageait à transférer de manière pacifique le pouvoir à un gouvernement civil et élu, ajoutant qu'elle respecterait tous les traités internationaux, régionaux et locaux, y compris le traité de paix signé avec Israël en 1979. Cette précision en direction de l'intérieur et de l'étranger est de taille, estiment des analystes qui soulignent que les dirigeants en place ont beaucoup plus de «tranquillité» pour pouvoir mener à bien sa mission pas du tout facile face à la rue, qui n'entend pas se laisser faire et se voir confisquer sa révolution, très chèrement payée. Elle a d'ailleurs été saisie au vol par l'Etat sioniste, dont le ministre de la Défense, Ehud Barak, estime que les bouleversements en Egypte ne présentent «aucun risque» pour son pays. Le rêve s'est réalisé, mais pas complètement car le départ de Moubarak du pouvoir n'est qu'une seule revendication du peuple parmi tant d'autres. Hier matin encore, au second jour sans le raïs, ils étaient nombreux à rester place Tahrir ou à y revenir pour confirmer la non-satisfaction des autres revendications dont ont fait échos les médias du monde, la veille, alors que des milliers d'Egyptiens continuent leurs festivités sur la place Tahrir, ponctuées de chants et de feux d'artifice. La dissolution du Parlement et la levée de l'état d'urgence, imposé depuis 30 ans, sont parmi les plus importantes autres exigences du peuple. Les militaires, au pouvoir, quelque peu pris de vitesse par la tournure des évènements, sont en train de chercher des repères sur lesquels ils bâtiront cette transition pacifique. Une période de transition de 6 mois Mais, dans la soirée d'hier, le Conseil suprême des forces armées égyptien annonce une série de décisions en adéquation avec les revendications du peuple. Suspension de la Constitution, création d'une commission pour son amendement, dissolution du Parlement, organisation d'un référendum sur les changements, la période transitoire sera de six mois, sont les mesures annoncées, qui sont en droite ligne avec les revendication du peuple. Ainsi, le gouvernement nommé par Moubarak avant sa chute, resté en place pour gérer les affaires courantes, a tenu sa première réunion hier pour examiner les moyens de rétablir la bonne marche du pays, alors que l'armée s'efforce de convaincre les manifestants, joyeux mais encore sur leur garde, de lever les barricades et de nettoyer la place Tahrir, où s'est déroulée sous les yeux du monde entier la révolution. Ce haut lieu de la révolte n'a pas été déserté et des centaines d'irréductibles sont restés postés sur place, comme pour dire à l'armée qu'ils sont toujours à l'écoute des évènements. «Nous n'avons pas peur, ni des tirs, ni de la police, ni de l'armée, la seule crainte est de perdre tout ce qu'on a gagné.» Cette déclaration d'un habitant du Caire résume à elle seule les craintes du peuple, même si la majorité des Cairotes a décidé de faire confiance à l'armée, qui fait de l'aspect sécurité sa priorité. Le Premier ministre Ahmad Chafic n'a pas manqué de le souligner hier en insistant sur le fait que «la sécurité est la priorité du gouvernement égyptien». En attendant la dissolution du gouvernement et dans l'élan de parer au plus pressé, le chef du conseil militaire, Mohamed Hussein Tantawi, s'est entretenu avec le chef de la Cour constitutionnelle et le ministre de la Justice sur des questions liées à la légitimité constitutionnelle, ainsi qu'avec le Premier ministre Ahmad Chafic sur les moyens à mettre en œuvre pour un retour immédiat à la normale, alors qu'il avait évoqué avec le ministre de l'Intérieur, Mahmoud Wagdy, le redéploiement des forces de police qui s'étaient retirées des rues le 28 janvier suite aux manifestations. Ces dernières, méprisées et critiquées pour leur brutalité lors de la révolte, ont organisé une manifestation au Caire où quelque 400 policiers ont manifesté à l'extérieur du ministère de l'Intérieur pour réclamer des hausses de salaires et l'exécution de leur ancien ministre, Habib El Adli, révoqué fin janvier sous la pression de la rue. Des incidents ont eu lieu avec les soldats présents, qui ont tiré des coups de semonce en l'air. Cette série de consultations avec les membres de l'ancien gouvernement confirme la thèse de son maintien jusqu'à la fin de la période de transition. Vers un nouveau gouvernement Un nouveau gouvernement sera alors nommé «sur la base de principes démocratiques». Le calendrier de cette période de transition, entre les mains du Conseil suprême des forces armées, reste toutefois à déterminer. C'est là aussi une question à élucider en direction du peuple, qui après avoir vu mourir plus de 300 des siens, veut être assuré de tout. C'est en ce sens que des observateurs égyptiens estiment que la préservation des acquis de la «révolution du 25 janvier» est une responsabilité partagée entre l'armée et le peuple. Ils soulignent que «la prochaine étape exige la poursuite de l'instauration du modèle démocratique civil revendiqué par le peuple». Pour sa part, l'association nationale pour le changement en Egypte, dirigée par l'opposant Mohamed El Baradei, a appelé à la création d'un «conseil présidentiel» regroupant trois personnalités dont un militaire. De son côté, le parti Al Wafd a proposé une initiative visant à «garantir le retour du calme et de la sérénité au pays», consistant en neuf points, dont la dissolution immédiate du Parlement, l'annonce d'amendements constitutionnels et législatifs qui seront soumis à référendum début mars.