L'homme, le journaliste, l'artiste Mohamed Dorbhan, mort dans l'attentat à la bombe perpétré contre la maison de la presse Tahar Djaout le 11 février 1996, est toujours parmi nous. Un de ses romans qu'il a écrit et laissé de côté, parce qu'il attendait sûrement le bon moment pour l'éditer, est aujourd'hui entre nos mains grâce aux éditions Arak. A travers Les neuf jours de l'inspecteur Salaheddine, roman achevé le 14 juillet 1989, Mohamed Dorbhan, qui a choisi cette date symbolique pour finir son roman, comme le signale l'auteur de la préface, le journaliste Abdelmadjid Kaouah, nous offre un livre d'histoire en ne se cachant que furtivement derrière la fiction et les aventures d'un inspecteur de police. Ceux qui ont connu Mohamed Dorbhan savent bien que cet homme plein d'humanisme et d'humour était tout le temps plongé dans l'histoire. A chacune de nos rencontres avec ce journaliste qui a fait partie de plusieurs journaux dont L'hebdo libéré, l'Observateur dont il fut rédacteur en chef et surtout Algérie Actualité durant sa plus belle période, on apprenait une nouvelle histoire sur une déesse grecque ou un chef romain. Sans se détacher de son amour pour les dieux grecs, Mohamed Dorbhan se défoule dans ce roman en s'exprimant avec la voix de ses personnages qui, comme lui, ont vécu les manifestations du 5 octobre 1988. Sous la plume du journaliste et caricaturiste, il y a toujours un fond où s'étale l'histoire de l'Algérie depuis la nuit des temps jusqu'aux dernières décennies en passant par la colonisation française, et tout cela, bien sûr, avec la finesse et les pointes d'humour de Mohamed Dorbhan. Cet enfant de Zéralda, dont le regard était toujours braqué sur la mer et l'horizon, montre à travers ce roman paru à titre posthume que bien qu'il fut souvent branché avec le passé, il avait toujours les pieds sur terre. D'ailleurs, à travers ses écrits et ses dessins, il tentait d'éveiller les lecteurs avec son humour exceptionnel. Au dos de la couverture du roman, qui aurait dû être consacrée à la biographie de l'auteur et à sa mort dans l'attentat perpétré par les hordes intégristes aux côtés de ses collègues Mohamed Allaoua et Djamel Derraza à la maison de la presse Tahar Djaout, l'éditeur a préféré offrir au lecteur un des passages du livre où l'auteur le plonge profondément dans son récit. Comme le dit le titre de l'ouvrage, l'histoire de l'inspecteur Salaheddine se passe en neuf jours, durant lesquels le romancier nous invite à vivre les bons et mauvais moments des années 1980, tout en nous transportant au gré de sa plume dans des temps plus reculés. Une véritable œuvre littéraire Au deuxième jour, celui du soupçon, on peut lire : «Il ne se trompait pas : arrivé au hall, il ne fut pas du tout surpris de retrouver le cinglé à l'astrolabe, celui qui, la veille, au Minotaure, poursuivait ce vieillard emporté par les stances baroques d'un mambo tropical, se tuait à convaincre l'agent de permanence qui, raide dans son uniforme, lui interdisait l'accès, qu'il devait voir le commissaire en personne car, lui, l'homme à l'astrolabe, avait la preuve formelle et irréfutable que Dieu était encore vivant et qu'il avait besoin des services du commissaire pour déterminer avec exactitude, l'endroit précis où celui-ci se terrait pour échapper à la vindicte de la création». Au fait, bien que le titre et l'histoire font de cet ouvrage un roman policier, Mohamed Dorbhan a écrit son livre pour des lecteurs avertis, car les amateurs risquent souvent de se perdre dans les longues phrases et les retours vers l'histoire. On est donc loin des romans policiers à lire d'une seule traite. Le livre posthume de Mohamed Dorbhan est en fait une œuvre vraiment littéraire qui a de fortes chances d'être primée. Par Bari Stambouli Les neuf jours de l'inspecteur Salaheddine de Mohamed Dorbhan Editions Arak ( Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir )