La diplomatie c´est, disent les experts en tautologie, la poursuite de la guerre par des moyens pacifiques. Maintenant que le constat est bien fait que ni les forces loyales à Mouamar Kadhafi ni les insurgés, aidés par la coalition militaire internationale qui prétend agir pour «protéger les populations civiles du dictateur libyen», ne sont en mesure de gagner la guerre, on paraît dans les deux camps plutôt acquis à l´idée d´une «sortie de crise». Le relais diplomatique Le «bras de fer» diplomatique est donc engagé. Les insurgés ont appelé, le week-end dernier, à un cessez-le-feu, après avoir trop hâtivement cru à une déroute des partisans du colonel Kadhafi qui avaient dû se replier jusqu´à Syrte avant de reconquérir Ras Lanuf et Brega. Le ministre des Affaires étrangères du volonel Kadhafi est depuis lundi matin en mission spéciale à Athènes où il avait été reçu par le Premier ministre grec Papandreou, puis en soirée à Ankara pour des entretiens avec le chef du gouvernement turc, Tajjip Erdogan. Ces deux capitales sont parmi les rares en Europe qui entretiennent encore des relations diplomatiques avec Tripoli. Cette visite intervient en appui aux contacts que l´un des hommes de confiance de Seif El Islam, le fils héritier du pouvoir du leader libyen, aurait noué avec les autorités britanniques. Objectif de cette offensive diplomatique : proposer une solution à «l´amiable» à ce conflit qui renvoie tous les aspects d´un conflit qui est entré dans une situation d´enlisement. Le rapport des forces sur place le laisse supposer. Kadhafi n´est pas venu à bout des insurgés qu´il avait promis de poursuivre «dar-dar, bit-bit, zenga-zenga». Il n´a pas été, en revanche, défait par une coalition militaire qui a jeté toutes ses forces dans la bataille, ce qui représente, à ses yeux, une demi-victoire. La succession Sur cette base, il peut donc négocier. Ce qu´il fait en voulant prendre au mot ses adversaires occidentaux qui ont exigé son départ, même si cette condition n´est pas prévue dans le contrat passé avec le Conseil de sécurité dans sa résolution 1973. Il accepterait donc de quitter le pouvoir dans cet exemple de dynastie républicaine au Maghreb, puisque, dans les faits, il a déjà passé la main, de longue date, à son fils Seif El Islam. Cette succession qui relève du secret de polichinelle est, pourtant, en cours depuis des lustres à Tripoli. D´ailleurs, bien des capitales occidentales n´y voyaient pas d´inconvénient. Pas Sarkozy, en tout cas, lui qui préparait aussi son fils à une belle carrière politique (pourquoi pas à l´Elysée), dans le pur style de la famille Bush. Venu exposer ses toiles à Madrid, en 2008, sous le regard admiratif de la reine Sofia, Seif El Islam avait été reçu, avec tous les égards dus à un prince héritier, par le roi Juan Carlos (à quel titre ?) sans que l´on se soit posé la question à Madrid. L´offre de Seif El Islam d´un régime de transition, sans Kadhafi père, une démocratie constitutionnelle, renvoie les aspects d´un piège pour les insurgés. Pour pas mal de pays occidentaux, peu acquis à la guerre, c´est une proposition à examiner si un cessez-le-feu réel est accepté par tripoli. Les pays de la coalition n´ont pas encore fait le tour de la question de la poursuite des bombardements en Libye. Les réticences Or le temps ne joue pas en leur faveur. Obama le sait, lui qui vient d´annoncer sa candidature pour un second mandat à la Maison-Blanche, en 2012. Il n´a pas besoin d´un «Afghanistan bis», une guerre d´usure en Libye où seul Nicolas Sarkozy espère encore y trouver la dose de gloire pour pouvoir remonter dans les sondages d´ici l´année prochaine. Ni la Turquie, ni l´Allemagne, ni la Grèce, ni encore le Secrétaire général de l´Otan, Anders Rasmussen, ne veulent d´une nouvelle résolution qui autoriserait des opérations militaires au sol, indispensables s´il faut déloger Kadhafi. Paris se garde de présenter un projet en ce sens. Rasmussen a répondu à Sarkozy que «l´Onu a demandé de protéger les citoyens libyens, pas de faire la guerre». Entendre : pas de déloger Kadhafi. Paris sait, en outre, que Moscou, peut-être aussi Pékin, a déjà regretté d´avoir laissé faire les Occidentaux dont les armées commettent bavure sur bavure ou font carrément dans la dérive La solution par la partition Tout le monde se rend aujourd´hui à cette évidence. Leurs opérations militaires semblent n´avoir concrétisé ni les objectifs fixés par la résolution 1973 du Conseil de sécurité, ni satisfait les intentions, non déclarées, de la France et du Royaume-Uni d´une partition de la Libye en Tripolitaine et Cyrénaïque (le futur Etat pétrolier) avec capitale Benghazi où flotte le drapeau français aux côtés de l´emblème de l´ex-roi Idriss. Paris et Londres n´ignorent pas que leur joker, le Conseil national de transition (CNT) est aussi «populaire» à Tripoli que Kadhafi l´est à Benghazi. Comment donc dépasser le système de la Jamahiriya des aurochs où la tribu des Kadhadfas a sa part d´hégémonie, maintenant que la solution militaire a affiché toutes ses limites ? L´expérience irakienne serait une bonne leçon à méditer. Le syndrome irakien L´Irak n´est aujourd´hui ni stable ni démocratique ! C´est le sort qui sera celui de la Libye si le régime de Kadhafi ne s´engage pas dans une réelle solution démocratique, comme on en prête l´intention à Seif El Islam, ou si, pour le malheur des Libyens, la coalition occidentale poursuivait son objectif d´installer à Tripoli un Maliki ou un Alassane Ouattara de côte d´Ivoire.