Ce n'était qu'une histoire d'heures. Après la capture de Laurent Gbagbo en pyjama - à tel point que la France soit accusée de néo-colonialisme par un républicain US -, Paris n'a pas tardé à demander implicitement un retour des Etats-Unis sur le théâtre des combats en Libye. Ce n'est pas le moment de jouer à l'immobiliste, l'Otan a besoin plus que jamais des capacités militaires US. Ce n'est pas que l'Alliance atlantique ne fait pas du bon travail, mais c'est le rythme lent de ses interventions qui a fini par agacer les Franco-britanniques, les premiers avec les Italiens et les seuls parmi les Vingt-huit de l'organisation à avoir reconnu le Conseil national libyen. Bien que les médiateurs africains ne perdent pas espoir quant à instaurer un cessez-le-feu dans la Jamahiriya et que les opposants à Benghazi semblent plus séduits par la médiation turque, la seconde réunion du groupe de contact à Doha verra-t-elle une reconnaissance du CNL élargi à d'autres pays européens, voire aux Etats-Unis ? Si l'Otan a ralenti la cadence de ses frappes aériennes contre les armes lourdes de Kadhafi, ce n'est pas uniquement en raison du changement tactique que les forces gouvernementales libyennes ont opéré sur le terrain. Moins encore à cause d'un manque de confiance dans une opposition qui compterait dans ses rangs des djihadistes d'Al Qaïda. La raison est aussi politique. Américains et certains de leurs alliés européens ne se sont pas prononcés clairement en faveur d'un camp ou d'un autre. A en croire des médias, ce ralentissement flagrant n'est autre que l'œuvre de Tel-Aviv où Seïf El Islam, le plus futé des fils de Kadhafi, se serait rendu à bord d'un quatrième avion, les trois autres ayant été réservés pour les émissaires du régime de Tripoli. Sarcastique, maîtrisant l'art de la dérision, le fils aîné ne serait pas parti en Israël peindre le portrait de Netanyahou, mais convaincre l'Etat hébreu d'aider au maintien de Kadhafi père au pouvoir. De quelle manière ? Il y en aurait eu plusieurs. En plus d'engager une entreprise spécialisée dans le recrutement de mercenaires, dont les patrons seraient des militaires israéliens à la retraite, Seïf El Islam aurait réussi à persuader ses hôtes de plaider la cause du régime libyen auprès de leurs alliés. Mission accomplie, en partie, le lobby juif aux Etats-Unis et l'administration de Tel-Aviv auraient réuni leurs efforts pour influencer certains pays de l'Otan, d'Europe et des sphères du pouvoir US de ne pas lâcher le guide. Un état de fait qui s'est traduit sur le terrain, les forces kadhafistes ont pu reprendre le contrôle de villes sur la côte est, parfois, sans même tirer un missile. Vu le nombre de sommets de la Ligue arabe que Kadhafi a boycottés ou qu'il a vidé de leur sens, l'Etat hébreu lui vaudrait bien cela. Trop c'est trop, la France et le Royaume-Uni ne peuvent pas à eux seuls supporter le fardeau de la guerre. Le gouvernement de Washington et les réticents au sein de l'Otan sont priés de (re)mettre la main à la pâte. Pas de demi-engagement, la Libye pourrait ressembler à la Somalie s'il venait à manquer à l'interventionnisme en cours (essentiellement humanitaire ?) des voix concordantes. Le rendez-vous qatari serait ainsi une bonne occasion aux pays encore réticents de choisir leur «camp». Présent à Doha, le secrétaire général des Nations unies devrait appeler la communauté internationale à parler d'une seule et même voix, l'heure n'est pas aux atermoiements et aux calculs diplomatiques au gré des intérêts de chacun. L'effroyable bilan de 10 000 morts établi par l'opposition et les preuves que détient la Cour pénale internationale au sujet de crimes de guerre commis par les hommes de Kadhafi feront-ils changer d'avis à ceux qui croient encore en le maintien du guide au pouvoir ? La détention provisoire dont vient de faire l'objet la famille Moubarak devrait d'abord donner à réfléchir aux Kadhafi père et fils. Le reste n'est qu'opportunisme diplomatique.