Un mouvement d'anarchie et d'incertitude était constaté hier au niveau de l'hôpital Mustapaha Pacha, où de nombreux patients étaient livrés à eux-mêmes et ne savaient pas à quelle porte frapper. Et pour cause, «leurs médecins» étaient en grève illimitée. Dans les différents départements visités, c'était l'incompréhension totale tant les praticiens et les malades défendaient leurs causes. La grève illimitée des praticiens de la santé publique, déclenchée avant-hier, est venue encore une fois de plus perturber la prise en charge médicale des malades dont les souffrances ont été accentuées par cet arrêt de travail en guise de contestation pour revendiquer des droits. Celui du malade est d'être soigné. Au niveau de cet hôpital, le rythme était au ralenti, pour ne pas dire à l'arrêt. Un service minimum est soi-disant assuré, mais des centaines de patients repartaient chez eux bredouilles en attendant des jours meilleurs. Des réclamations se font entendre par les stressés ou par ceux qui se tordaient de douleur. En face, aucun écho n'est venu les réconforter. Les médecins qui n'ont pas observé la grève ne pouvaient répondre à tous les appels des malades. Regroupés au centre de l'enceinte hospitalière toute la matinée d'hier, les grévistes n'hésitaient pas à rappeler sans cesse leur plate- forme de revendications et les promesses non tenues du premier responsable du secteur. Dans ce décor décourageant, les malades sont pris de panique et se disent otages dans cet interminable conflit opposant les médecins au ministre Ould Abbas. Dans le service de pédiatrie, deux médecins résidents assuraient le service. Contrairement à leurs confrères, ils ont fait le choix de ne pas répondre au mot d'ordre de grève pour ne pas pénaliser des nourrissons et des bébés innocents. «C'est un choix que j'ai fait», nous a indiqué Leila, en deuxième année de spécialité : «Je ne peux pas refuser le soins aux bébés et aux enfants. Moi-même, je n'aimerais pas les soins soient refusés à un de mes proches». Elle explique qu'elle a, en effet, observé quelques jours de débrayage, avant d'abandonner ce chemin interminable. Refusant de répondre à nos questions, elle affirme que plusieurs autres de ses collègues ne débrayent pas. «Le taux de suivi n'est pas à 100%. Il y a plusieurs médecins résidents qui ont tenu à travailler». Au service d'hématologie du centre pierre et marie curie (CPMC), tout semblait fonctionner normalement ou presque. Les médecins résidents de ce département n'avaient pas quitté leurs postes, jugeant que les cancéreux ne devaient pas être abandonnés à leur sort. «Nous sommes des humains nous aussi et nous sommes conscients de la gravité de leurs cas», nous a indiqué un médecin de service. Pour sa part, le professeur Zerhouni, spécialiste en hématologie, nous a affirmé que «tous les médecins résidents de son service ne suivent pas le mot d'ordre de grève», assurant «que plusieurs autres médecins résidents n'y ont pas répondu». Ce n'est pas le cas au service de chirurgie du même département où toute l'activité est paralysée, sauf les cas d'extrême urgence. Un jeune praticien rencontré sur les lieux a avoué que ce mouvement fait l'affaire de certains chirurgiens qui en profitent pour «inviter» les malades à se faire opérer chez eux dans des cliniques privées au prix fort. Ce jeune a tenu à dénoncer le vol du matériel médical ainsi que des médicaments «réservés» aux hôpitaux. Il en veut pour preuve le traitement par la chimiothérapie dans les cliniques privées. Les malades s'inquiètent de plus en plus de la situation qui perdure et affichent leur mécontentement quant à l'inconscience du personnel de la santé, particulièrement après les augmentations «conséquentes» accordées par le ministère de la santé aux médecins.