Le manque de liquidités dans les institutions financières, ce n'est un secret pour personne, tant les citoyens ont pris l'habitude de cette pénurie d'un autre genre. Pointer tôt devant les banques et les bureaux de poste, prendre son mal en patience, sont les solutions d'urgence de tout un chacun pour éviter de se retrouver sans le sou. En face, les politiciens et autres responsables crient à qui veut les entendre que c'est conjoncturel et que la pression sera allégée… dans peu de temps… qui dure. Comme solution, ils évoquent, sans conviction aucune, le règlement par chèque et la carte interbancaires magnétique. On a même créé le fameux et mystérieux billet de 2000 dinars pour, dit-on, faire baisser la pression. Mystérieux, car il demeure inconnu pour la majorité des gens. Il y en a même qui ont refusé de le prendre. Plus radical, mon père retraité, ne pouvant plus se permettre de longues attentes devant le guichet de la poste ou de la banque, a décidé de cacher le plus possible de son argent chez lui. Sous son oreiller. Depuis, il est tranquille comme d'ailleurs plusieurs autres dans son cas, qui ont eu la même idée. La thésaurisation ou «la chkara» (le sac), quoi ! Cette attitude décriée par des experts de la finance est encouragée par l'autre, celle des entreprises. Grandes surfaces et grands ateliers de maintenance de véhicules, les chèques bancaires ou postaux, ils ne reconnaissent pas. Ce beau monde exige pour tout paiement d'un achat, d'un service, des sous en billet nature même si le montant est relativement important. «On préfère être payé en liquide, la direction refuse les chèques», vous lancera le préposé à la caisse. Si telle est la gestion de la clientèle par de telles boîtes, qu'en est-il des marchés, souvent pas informels et autres grosses transactions ? Ces comportements poussent les gens à se balader avec de grosses sommes et par conséquence à thésauriser au maximum. De ce fait le chèque bancaire est relégué aux oubliettes. Le certifier est une autre galère. La carte magnétique interbancaire pouvant être utilisée semble elle aussi faire partie de ces documents inutiles. Rareté des distributeurs des billets de banque, les sommes autorisées limitées, limitent son utilité. C'est une question de culture, explique un sociologue pour qui le citoyen ne fait confiance qu'au palpable. Une méfiance, constatée également chez des gestionnaires habitués à manipuler de grosses sommes d'argent. Ils ont la hantise des chèques sans provision et évitent les procédures judiciaires pour récupérer leurs dus. Ils en veulent pour preuve les nombreuses affaires du genre non encore solutionnées. Il est question quelque part de la défaillance de la force publique. A ce point, les projets de e.commerce, annoncés par les responsables des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) sont loin, très loin, à la limite de l'imaginable chez nous où «la chkara» a encore de beaux jours devant elle.