Les premières assises de la société civile ont débuté hier au Palais des nations avec plus de 1000 participants représentant divers domaines et horizons. L'ouverture solennelle des travaux de cette conférence a été donnée par le président du Conseil économique et social, Mohamed Seghir Babès. Les représentants des institutions européennes, africaines et maghrébines qui ont pris part à cette rencontre ont salué l'initiative du président de la République d'ouvrir le dialogue et la concertation aux acteurs de la société civile. Certains intervenants n'ont pas manqué d'interpeller leurs Etats pour s'inspirer de cette initiative reflétant la volonté d'amorcer un changement et d'anticiper sur les aspirations de la société, notamment la frange juvénile, qui parfois recourt à la violence et aux manifestations pour se faire entendre. Dans son intervention, le président du Cnes a tenu à relever que «le chef de l'Etat a insisté sur la tenue de ces assises nationales de la société civile pour libérer les initiatives et engager un débat transparent, franc et libre afin de développer le système de gouvernance. Il m'a demandé de transmettre à l'ensemble des participants son sentiment intime de soutien et d'écoute». M. Babès a souligné que le but de ces états généraux est de parvenir à dégager un «consensus» sur l'ensemble des problématiques soulevées dans le cadre des travaux des 5 ateliers mis en place. «Le président de la République attend des propositions et des recommandations importantes visant à mettre en œuvre une politique favorisant l'éclosion de la société civile», a ajouté le président du Cnes s'adressant à une salle où étaient présents des responsabonsables de syndicats, des universitaires, de jeunes animateurs de mouvements sociaux, des chefs d'entreprises, des responsables d'organisations patronales et des invités étrangers venant de plusieurs pays africains, maghrébins et européens. «Les maîtres du monde et les révolutions» Invité par le Cnes, le président du Forum de Crans Montana, Jean Paul Carteron, a tenu de son côté à situer la rencontre d'Alger dans un contexte mondial marqué par une mondialisation qui a accentué les inégalités et l'exclusion. «La crise économique mondiale vécue ces dernières années a accentué le processus d'exclusion entre ceux qui ont toutes les richesses et ceux qui n'ont même pas de quoi manger. Il existe des enfants dans des pays occidentaux qui vont à l'école sans prendre le petit déjeuner et des personnes qui vivent avec moins de 600 euros par mois. Les mouvements de manifestation sont la réaction de la société civile en utilisant tous les moyens disponibles, dont l'internet et les réseaux sociaux, Facebook…», a estimé l'hôte de l'Algérie. Le président du forum de Crans Montana a ajouté que «l'initiative du président Bouteflika d'ouvrir la tribune aux acteurs de la société civile est une preuve de bonne volonté d'ouvrir un débat pour l'histoire». Pour M. Jean-Paul Carteron, les mouvements révolutionnaires vont gagner tous les pays du monde. «Il y a beaucoup d'espoir pour que les sociétés civiles s'imposent étant donné que nous avons déconnecté l'économie de la réalité. (…) Il est temps de revenir en arrière et de réguler tout ce que les techniciens ont dérégulé et de faire en sorte que l'économie soit au service de l'homme et non au service de certains groupes anonymes qui n'ont rien à voir avec l'intérêt de l'être humain. Je suis heureux de voir que cette réunion sur le rôle de la société civile est imaginée, conçue et tenue en Algérie», souligne-t-il, tout en souhaitant que les conclusions de cette manifestation fasse l'objet de base d'un dialogue durable et constructif. Dans le même ordre d'idées, le président du conseil économique et travail de l'Italie, Antonio Marzano, a souligné l'importance de cette rencontre dédiée à la société civile, en faisant remarquer «que les jeunes qui sont sortis dans les rues demandent plus de travail et de démocratie participative. (…) Le travail pour tous est indispensable ainsi que l'égalité dans une économie nouvelle». L'invité du Cnes a souligné cependant que «la démocratie participative ne s'exporte pas et ne s'impose pas par la force de l'étranger. C'est une œuvre collective et chaque pays doit choisir sa propre démarche. C'est l'affaire justement de la société civile qui doit prendre ses responsabilités dans ce processus démocratique.» Le message de l'Union européenne L'Union européenne (UE), par la voix de son ambassadrice à Alger, Laura Baeza, a estimé que «les réformes annoncées en avril par le président Abdelaziz Bouteflika répondent entièrement aux aspirations de la société algérienne.» La démarche entreprise par le Conseil économique et social plaide pour le partenariat économique entre l'Union européenne et l'Algérie. L'Union européenne ne peut pas rester indifférente aux demandes de la jeunesse de la région. C'est pourquoi on a compris que le partenariat doit être axé sur le respect de la démocratie, notamment dans ses relations avec le sud de la méditerranée. (…) L'union européenne continuera à soutenir la société civile algérienne qu'on considère partie prenante dans la politique du gouvernement», a tenu à préciser l'ambassadrice de l'Union européenne à Alger. D'autres intervenants, à l'instar du président du conseil économique et social de Guinée, Michel Kamano, du vice-président du forum social africain, Bernard Fannon et de Hanifa Mezoui, représentant permanent auprès des Nations unies, ainsi que José Da Silva Peneda, président du conseil économique du Portugal ont soutenu que les états généraux de la société civile vont permettre à l'Algérie d'anticiper sur ces mouvements de chaos et d'instabilité caractérisant certains pays qui ont réduit le champ d'action de la société civile. L'ancienne responsable du conseil économique et social de Tunisie, l'écrivaine Héné Beji, n'a pas omis de signaler que l'expérience de la révolution tunisienne s'est inspirée de celle de l'Algérie menée contre l'armée coloniale française. «Nous avons vaincu la peur et le régime policier de Ben Ali. Il n'existe plus d'autorité en Tunisie au sens ancien du régime. Nous avons la dignité qui nous a toujours manqué. La révolution du peuple tunisien a été l'œuvre des marginaux et elle n'a pas été menée par des leaders politiques. C'est l'œuvre du peuple», a-t-il estimé. L'expérience de la Guinée a également évité le chaos en 2008, malgré l'injustice, l'inégalité et le manque de dialogue ainsi que la démocratie participative, a tenu à ajouter pour sa part Michel Kamano, président du Cnes guinéen, en soulignant le rôle de la société civile et la réconciliation. 5 ateliers à l'œuvre Les travaux des premières assises nationales de la société civile se sont poursuivis dans l'après-midi d'hier dans le cadre de 5 ateliers mis en place. Il s'agit des ateliers consacrés au débat sur «le nouveau régime de croissance», «système de protection sociale et solidarité nationale», «pour une gouvernance rénovée, un dialogue social permanent et une démocratie participative», «pour une prise en charge réelle de la problématique de la jeunesse» et «problématique du renforcement du rôle et de l'organisation de la société civile.» Les travaux des 5 ateliers se poursuivront aujourd'hui, tandis que la journée de jeudi sera consacrée à la lecture des recommandations et l'adoption de la déclaration finale.