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Des réformes par nécessité et non par conviction
Publié dans Le Temps d'Algérie le 29 - 06 - 2011

La décision du roi Mohamed VI de soumettre au référendum, le 1er juillet prochain, son projet de réforme de la Constitution du royaume appelle un certain nombre d´observations.
Ce projet qui n´aura aucun mal à passer le handicap des urnes ne sera pas le résultat d´un quelconque respect de la souveraineté populaire dans le royaume alaouite où il est plus facile de mobiliser les masses quand il s´agit de «l´intérêt supérieur» du royaume.
Feu Hassan II a déjà eu recours à des manœuvres similaires en organisant la fameuse «marche verte» de 1975 pour, dans le langage du Palais royal, «récupérer la terre des ancêtres» et asseoir ainsi durablement les bases d´une monarchie ébranlée au début des années 70 par deux tentatives de coup d´Etat, celui de l´Airbus du roi et du palais de la Skhirrat.
La manœuvre du référendum
C´est à cette méthode, dans la formulation plus classique de consultation par les urnes cette fois, que l´hériter du trône s´apprête à jauger le sentiment de ses sujets sur cet intérêt des Marocains pour le destin de la royauté. Nul doute que son projet passera comme une lettre à la poste, non pas parce que les électeurs auront plébiscité un choix politique démocratique dont ils partagent les objectifs fondamentaux, mais parce que la règle du jeu est faussée au départ.
La révision de la Constitution marocaine qui ne réduit en rien les pouvoirs étendus et absolus du monarque a été décidée par nécessité, ou par obligation, plus que par conviction du roi Mohamed VI.
L´idée d´une réforme de la loi cadre a commencé à faire son bout de chemin, voilà cinq ans, lorsque la question du Sahara occidental est entrée dans une situation d´impasse. L´ancien ministre espagnol des Affaires étrangères, Miguel Angel Moratinos, était parvenu à faire capoter le Plan Baker, du nom de l´ex-secrétaire d´Etat américain,
adopté à l´unanimité par les 15 membres du Conseil de sécurité de l´ONU en juillet 2003 et qui ouvrait, pour la première fois, une perspective de règlement de ce conflit.
A l´idée d´une autonomie suivie d´un référendum sur l´indépendance ou le rattachement du territoire sahraoui au Maroc, formulée par Baker, l´ex-chef de la diplomatie espagnole avait soufflé au jeune roi Mohamed VI son idée d´une autonomie calquée sur le modèle espagnol. Le tour est joué. La France fera la promotion de ce projet auprès des pays occidentaux. Les populations sahraouies se soulèvent.
«Modèle espagnol» pour une monarchie absolue
Or, pour qu´un tel objectif soit possible, une réforme de la Constitution devenait incontournable. Ce que fit le monarque en confiant cette mission, en 2010, à l´ambassadeur marocain à Madrid, Omar Azziman, qui lui remettra le projet sur lequel les Marocains – et bien sûr d´office les Sahraouis) –
devront se prononcer ce vendredi. Auparavant, la rue arabe est sortie manifester contre les dictatures et les monarchies, deux caractéristiques que le système politique du Maroc réunit à la fois. Depuis le 20 février, les indignés manifestent leur désarroi social et plus que cela, leur aspiration à une démocratie réelle. Une monarchie parlementaire calquée, en effet, sur le modèle du système des autonomies en Espagne.
Sous la pression des événements
Dans la future Constitution, le roi restera toujours sacralisé et continuera d´être l´autorité suprême et incontournable conservant tous ses droits de monarque absolu. Bien entendu, Mohamed VI a introduit des retouches aux limites du champ de son pouvoir.
Le Premier ministre peut nommer les membres du gouvernement mais c´est au roi que reviendra la décision de choisir les ministres du Culte pour demeurer le Commandeur des Croyants, et des postes clés de la Défense ou des Affaires étrangères.
Toutes ces réformes ont été décidées sous la pression des événements. La régionalisation pour masquer l´annexion du Sahara occidental et le renforcement des pouvoirs du Premier ministre pour calmer la rue. Les Sahraouis comme les animateurs du Mouvement du 20 février ont déjà fait savoir, pour les premiers qu´ils ne concernés pas par un référendum
d´autodétermination, et pour les seconds qu´ils n´iront pas à la mascarade du 1er juillet. Hier, le quotidien ABC écrivait que le roi du Maroc a «joué la carte de la réforme constitutionnelle pour désamorcer la révolution en gestation dans son pays depuis le 20 février dernier».
Désamorcer une révolution
Dans deux interviews que publiait le même jour son confrère El Pais, Mehdi Lahlou, dirigeant du PSU (gauche parlementaire), et Mohamed Tozy, membre de la commission constitutionnelle, ne laissent planer aucun doute sur l´issue du scrutin, mais pas pour les mêmes raisons.
Selon le premier, le projet politique du roi Mohamed VI est «un maquillage qui apporte très peu de réformes» parce que le roi «n´entend pas réduire son pouvoir qui est considérable».
Le second, un proche de la monarchie, fit une lecture banalement technique du projet de Constitution marocaine qui est, a-t-il dit, «inspiré de la Constitution de l´Espagne».
Au Maroc comme à l´étranger, personne n´est dupe cependant de cette manœuvre. La monarchie marocaine n´aura rien de comparable avec la monarchie espagnole.
Naturellement, le roi a pris ses dispositions pour donner de l´éclat à l´événement. Il a envoyé les imams et les sectes faire campagne pour son projet dont il ne fait pas l´ombre d´un doute qu´il sera non seulement approuvé par un électorat préparé par un travail de proximité depuis la nuit des temps, et dont l´adoption sera calquée à l´étranger, notamment en Espagne.
Il faut se rappeler que Madrid a été avec Paris les premières capitales à avoir salué le projet de réforme politique dès son annonce par le souverain alaouite. Les messages de félicitations sont déjà rédigés.


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