El Djazaïr 2, battant pavillon algérien, a quitté récemment le quai du port d'Alger pour effectuer la traversée inaugurale vers Barcelone via Palma de Majorque. Une traversée effectuée par environ 1300 passagers qui ont pris place à bord du ferry ainsi que près de 300 véhicules. Sous le commandement du «raïs» Ayed Abdeslam, l'équipage était composé de 130 membres. «Les vacances commencent à bord du ferry», a déclaré le PDG de la compagnie pour justifier le retard accusé et pour permettre aux retardataires de jouir de leurs vacances. Prévu à 12h00, la corne de brume annonçant le départ du ferry n'a retenti que vers 14h30 à la satisfaction des passagers qui piaffaient d'impatience de prendre le large. La météo était favorable et la mer était calme. Profitant de cette aubaine, le commandant, tenu par des «impératifs d'accostage au port de Palma», était obligé de pousser les moteurs après une complexe manœuvre de sortie du port sous le regard des passagers. Un moment privilégié que nous avons partagé avec le commandant au sein de la passerelle (cerveau du navire), réservé exclusivement au commandant, aux subalternes et au timonier. Manœuvrer un navire de 10 ponts (10 niveaux) n'est pas chose facile. Cela exige de l'expérience et de la dextérité de la part des membres de l'équipage et du commandant. Une demi-heure plus tard, le navire prenait le large en mode automatique. «El Djazaïr 2 est doté de tous les équipements modernes et est entièrement contrôlé automatiquement», nous explique le commandant Ayed qui, évoquant «une sécurité optimale», indique que «le navire est également doté de tous les moyens de communication comme le GPS, les radars et les sonars (localisation des navires et identification des fonds marins)». «La traversée s'effectue à une vitesse de 23 nœuds (50 km/h environ). Je suis obligé de naviguer à ce régime car il est impératif que nous accostions à Palma avant minuit, heure à laquelle les autorités portuaires espagnoles n'autorisent plus l'accès des navires au port», explique le commandant. Malgré un soleil de plomb, les passagers n'ont pu se priver de se délecter du paysage et tous attendaient de voir les dauphins qui se faisaient désirer. Les enfants, accompagnés de leurs parents, batifolaient sur le pont tout en ayant les yeux rivés sur la mer. A l'intérieur, les passagers de la classe cabine, de la classe couchette et ceux occupant des fauteuils ne se confondaient pas. Alors que la vue panoramique d'Alger s'éclipsait progressivement, tous les passagers ont été invités, via les hauts parleurs, à prendre une collation offerte par la compagnie au sein du restaurant et en présence de M. Grairia, PDG de l'ENTMV. Cette initiative ne manqua pas de susciter des commentaires. «Je voyage tous les ans à bord de navires étrangers qui font ouvertement la distinction entre les classes et cette invitation me réjouit», lance un passager de la classe fauteuils. Malgré toutes les attentes, les dauphins ne se montrèrent pas. Le reste de la traversée s'effectue dans des conditions favorables. Il est 23h00 lorsque les côtes illuminées de Palma apparaissent à la grande joie des passagers qui se préparent au débarquement. Après des manœuvres, le ferry accoste à Palma pour y débarquer les passagers et les véhicules. Le personnel portuaire chargé des amarres marquera les repères sur les berges qui serviront aux futures manœuvres. Barcelone, deuxième étape du périple La distance séparant Palma à Barcelone a été couverte la nuit. Pendant que les passagers se restauraient, le commandant ne cessait d'effectuer des rondes d'inspection. Il est partout et ne néglige aucun aspect. Comme le dit l'adage, «le commandant ne dort pas mais se repose», faisant allusion aux courts moments d'assoupissement pendant que son second le relaie. La distance Palma-Barcelone est parcourue en 12 heures. Pendant ce temps, les passagers des classes confondues se sont délectés des délicieux menus savamment préparés par les cuistots du restaurant ou du self-service qui, entretemps, fera office de bureau à la brigade navigante des douanes et aux employés des assurances chargés des procédures douanières au profit des propriétaires des 455 véhicules embarqués à Barcelone, en partance vers l'Algérie. Il convient de relever qu'à tous les niveaux (ponts dans le jargon maritime), et au sein de tous les compartiments ou cabines, la propreté est irréprochable. Les prestations du personnel navigant ont, dans ce sens, été louées par la majorité des passagers que nous avons interrogés. La salle des machines, le cœur du ferry Poussés par la curiosité, nous effectuons une visite dans la salle des machines. A l'intérieur, les machinistes portent des casques pour se protéger les tympans du bruit insupportable que font les deux moteurs de 25 000 chevaux. Dans l'ascenseur qui nous mène vers la salle des machines, nous sentons la chaleur dégagée par les moteurs. Nous étions loin de penser qu'à l'intérieur, nous allions nous exposer à une température ambiante frôlant les 60° centigrades. Les machinistes affirment que «les nuisances sont rémunérées au travers de primes», ajoutant que «la compagnie prend en charge le volet sanitaire en assurant des visites médicales». Toutefois, d'autres relèvent que «les primes en question devraient être revues à la hausse et devraient être conséquentes au fort taux de nuisance subi». Après cela, les machinistes faisant preuve de convenance nous livrent des indications sur le fonctionnement. «Toutes les machines sont gérées automatiquement et nous sommes reliés à la passerelle du commandant qui porte le nom de cerveau du ferry», lance un des machinistes avant que nous quittions les lieux. La cheminée d'El Djazaïr dégage de la fumée «d'argent brûlé» L'ENTMV consomme un peu plus de 200 milliards pour l'approvisionnement en fuel par an. Une somme pouvant être multipliée par le nombre de navires appartenant aux autres compagnies à l'image de la Cnan. Selon des indiscrétions émises par des sources maritimes et glanées avant le départ du ferry, «le fuel et précisément le prix de cette denrée constitue une des préoccupations majeures pour les compagnies maritimes algériennes confondues». «Obéissant à une circulaire du gouvernement, les compagnies maritimes sont contraintes de s'approvisionner auprès de Naftal à raison de 52 000 dinars la tonne, alors que cette denrée est importée d'Hexagone par la même entreprise pétrolière à raison de 32 000 dinars la tonne et qui, de surcroît, facture le coût du transport aux compagnies maritimes». Les gros navires ou ferrys consomment énormément de fuel et la quantité peut varier en fonction de la vitesse choisie. A ce titre, il faut savoir que durant le trajet Alger-Palma, le ferry El Djazaïr 2 a consommé 30 tonnes de fuel soit l'équivalent de 156 millions de centimes que la compagnie devra répercuter sur les prix des billets. La même quantité a été consommée par le ferry sur le trajet Palma-Barcelone et Barcelone-Alger. En faisant un petit calcul sur la base d'une distance équivalente, l'ENTMV a déboursé un peu moins d'un demi milliard de centimes au terme de cette traversée. Selon des informations communiquées par des sources sûres, «la plupart des compagnies maritimes auraient, par voie de correspondances, exprimé le souhait de s'approvisionner auprès des fournisseurs européens afin d'économiser le coût et, par répercussions, revoir à la baisse les prix des billets dont le moins cher avoisine les 20 000 DA». Selon la même source, «les multiples demandes adressées au gouvernement par les responsables des compagnies sont restées lettre morte». Le raïs, un homme d'une très grande expérience Du haut de ses 35 années d'expérience acquises sur les divers navires sur lesquels il a navigué, Ayed Abdeslam, commandant depuis de longues années, est natif de Oued Znati, wilaya de Guelma. Ayed a reçu une partie de sa formation des enseignants de l'Institut national des sciences maritimes (INSM). Durant la traversée inaugurale, nous avons découvert différentes facettes de sa personnalité. Responsable et à cheval sur certains points ayant trait à la sécurité des passagers et du ferry, il est aussi très convivial avec les passagers avec lesquels il entretient d'excellentes relations. Il est intraitable lorsqu'il manœuvre aux embouchures des ports. Epris de son bateau, il refuse le remorquage des entreprises portuaires. En manœuvrant avec l'aide de ses seconds et de son équipage, il a économisé 6500 euros devant être versés à chacun des remorqueurs, soit deux à trois remorqueurs pour chaque manœuvre. Il est consciencieux à telle enseigne qu'il ne dort que très peu. Comme il est stipulé dans le code d'honneur, «il est le premier à bord et le dernier à quitter le navire». Toutefois, faisant montre d'une grande humilité et de respect en direction de son équipage, Ayed affirme «il ne peut y avoir de commandant sans équipage et jamais d'équipage sans commandant». Alger, étape finale de la traversée Le manque de quais au port d'Alger crève les yeux. Le ferry El Djazaïr 2, à son arrivée, est orienté vers un quai réservé d'habitude aux navires marchands. Une solution momentanée à laquelle l'entreprise portuaire doit trouver une solution définitive pour permettre à la compagnie maritime de multiplier et diversifier ses dessertes et, par conséquent, promouvoir la destination Algérie. Ayant effectué les procédures douanières et d'assurance à bord du ferry, les passagers n'ont rencontré aucune difficulté lors du débarquement de leurs véhicules. En quelques minutes et en file indienne, les centaines de véhicules embarqués à Barcelone ont été débarqués sous le regard satisfait des policiers et des douaniers.