Le scandaleux spectacle de ces familles vivant dans des abris de fortune, le long de l'avenue Mohamed-Belkacemi (ex-Ravin de la Femme sauvage), à Alger, exacerbe le sentiment de l'existence de magouilles dans les opérations de relogement. Selon un des pères de famille, «sur 172 logements devant être attribués aux familles occupant des constructions illicites, seuls 160 ont été livrés lors de l'opération de relogement de mercredi dernier». «Nos dossiers ont, curieusement, disparu et après les promesses faites par les autorités, lors des opérations de recensement de nos baraques à Diar El Afia (relevant de l'APC d'El Madania), nous avons été abandonnés sur les lieux en plein milieu de la nuit par les autorités et ce, malgré l'intervention d'un officier de la Gendarmerie nationale», racontent douloureusement des pères de famille voués à survivre dans l'incertitude et au désespoir d'acquérir un toit décent. La récurrence de cas similaires, relevés en divers points de la capitale, pousse à bien des interrogations. Le scandaleux spectacle de ces familles entourées de leur progéniture, renseigne sur l'opacité entourant ces opérations de recensement, de relogement et, plus particulièrement, du traitement des dossiers et des recours au niveau des différentes structures. Comment expliquer la disparition de dossiers, dénoncés à plusieurs reprises par des citoyens, sinon par «leur substitution à quelque niveau que se soit». Le poignant témoignage des pères de famille indique clairement qu'ils sont relégués au rang de laissés-pour-compte. «Durant l'opération de relogement, délogement, en ce qui nous concerne, nous avons ressenti une joie indescriptible qui, quelques heures plus tard, s'est transformée en véritable cauchemar», narre l'un d'eux, non loin de sa «nouvelle demeure de fortune installée au bord de l'avenue Mohamed-Belkacemi, fréquentée par une multitude de personnes et de personnalités car situé non loin du nouveau siège du ministère des Affaires étrangères et du monument au Martyrs. «Nos enfants sont exposés à tous les dangers possibles et imaginables du fait de l'endroit et des conditions de vie qui nous sont imposées», déplore un citoyen, conscient des multiples formes de danger qui guettent leurs enfants dont la scolarisation paraît menacée. Ils racontent les péripéties de cette nuit de mercredi dernier, durant laquelle ils ont été ballotés d'un endroit à un autre pour, enfin atterrir sur le trottoir. «Tout en nous promettant de nous emmener vers les logements qui nous étaient destinés, les autorités (personnels et responsables de la wilaya) ont embarqué nos affaires dans des camions et le convoi s'est ébranlé vers une destination qui nous était inconnue», raconte un grand-père d'une voix tremblante. Il ajoute que «vers 21H00, nous avons été emmenés vers un espace, situé non loin de la forêt «La prise d'eau» de Semar, à proximité des bidonvilles. Par la suite, les responsables de la daïra ont voulu débarquer nos affaires et nous étions presque persuadés que cela faisait partie de l'opération, n'était l'intervention d'un capitaine de la gendarmerie qui, poussé par la curiosité, a investi l'espace et a pris notre partie en interdisant aux responsables de quitter les lieux en les incitant à prendre leurs responsabilités». De Semmar à la rue, en passant par Bir Mourad Raïs «Il était minuit lorsque, suite à l'insistance du capitaine, le wali délégué s'est déplacé sur les lieux pour ordonner de nous diriger vers le Parc de l'OPGI de Bir Mourad Raïs, accompagnés par les gendarmes qui informèrent leur commandement sur cette opération», racontaient les pères de famille, qui avouèrent «rêver d'une heureuse issue». Mais ils n'étaient pas au bout de leur calvaire car, ajoutent-ils, «dès que les gendarmes sont partis et après la promesse d'étudier nos cas, les autorités ont donné instruction aux camionneurs de nous décharger comme de la marchandise sur le trottoir où nous nous sommes aujourd'hui». «Nous avons tenté de bloquer la route le lendemain, le jeudi 15, et autant vous dire que nous avons déjoué des tentatives de manipulation de la part d'énergumènes qui ont voulu nous inciter à cautionner la marche du 17 septembre dernier», témoigne encore un autre père. «Suite à cela, nous avons été reçus par des membres de la daïra qui nous ont promis, encore une fois, d'étudier notre cas», précise-t-il. En attendant, les enfants demeurent sans scolarisation et exposés aux conditions inhumaines pouvant incontestablement conduire à une déchéance certaine. Un peu plus loin, soit à une dizaine de mètres, une famille occupe une niche d'électricité opérationnelle (haut voltage) depuis quelques temps et non loin des baraques en attente de relogement. La misère à laquelle sont contraintes ces 12 familles ne diminue en rien le courage de ces pères, résolus à se battre pour acquérir un toit. Un droit, pourtant consacré par la Constitution, à tous les citoyens de nationalité algérienne. Il est attendu que des cas bien plus graves surviennent, au vu de la cadence et des conséquences de la gestion quelque peu aléatoire des opérations de relogement. Il est plus qu'une nécessité pour le gouvernement, qui ne vaut que par la qualité de ses services, de déclencher des enquêtes en vue de faire la lumière sur les conditions ayant conduit des familles algériennes à résider à la belle étoile.