Le festival Issni N'Ourgh international du film amazigh (Finfa) s'est clôturé dimanche en soirée à Agadir. A l'issue de cette manifestation culturelle, une algérienne s'est distinguée en remportant haut la main le grand prix du film documentaire. Il s'agit de la réalisatrice Fatima Sissani, qui a participé avec son film La langue de Zahra, dédié comme elle l'explique «à toutes les femmes analphabètes qui ont dû, pour des raisons diverses, quitter le pays pour vivre à l'étranger. Avec leur français boîteux et une langue kabyle jamais oubliée, ces femmes transmettent de génération en génération, par les poèmes, une oralité à valoriser». La langue de Zahra, un film de 93 mn, tourné en France et dans plusieurs régions de la daïra d'Iferhounène en Kabylie, raconte le quotidien de la mère de Fatima. Une œuvre pleine d'émotion. Le jury du festival, présidé par le réalisateur français André Gazut, a expliqué que le choix a été fait par l'unanimité des membres, ce qui est rare dans les festivals. Fatima Sissani partage cependant son prix avec un autre film documentaire Les murmures des cimes de Cherqui Ameur, un réalisateur marocain, qui va à la rencontre de trois artistes militants du sud-est restés en herbe. «Il restera une référence pour les jeunes générations», dira Gazut, à propos du film. Le montant du prix est de l'ordre de 15 000 DHS. La non-attribution du prix national de la culture amazighe contestée A la surprise générale, le grand prix national de la culture amazighe qui devait être attribué par l'Institut royal de la culture amazighe (Ircam), n'a pas été attribué cette année. En effet, juste après le discours prononcé par Noura El Arzak, membre du jury du prix national du court métrage, et au moment où il expliquait que le prix de cette année a été annulé, Yuba El Barkaoui, réalisateur du film Irafan quitte la salle, qui se vide en un laps de temps. Les contestataires, devancés par le jeune réalisateur marocain et son équipe, envahissent de nouveau la salle, mais cette fois-ci pour chahuter l'Ircam et crier à «l'injustice et au complot contre la production amazighe». Un véritable brouhaha que les organisateurs ont eu du mal à gérer. En effet, comme annoncé dans notre précédente édition, Yuba était pressenti pour arracher le grand prix national de la culture attribué chaque année par l'Ircam. Mais ce dernier a jugé autrement. Il explique que le règlement stipule clairement que le prix ne peut être attribué à de nouveaux films, mais à ceux réalisés une année avant la compétition. Chose réfutée et dénoncée catégoriquement par les contestataires. Yuba s'insurge Pour Yuba, «cette excuse ne tient pas la route. Le jury aurait dû nous expliquer à l'avance ces conditions. C'est insensé, et tout ça n'est qu'une provocation de plus et un sabotage des jeunes talents, ajoute le réalisateur d'Irafan. Selon quelques indiscrétions, c'est la crédibilité de l'Ircam qui venait d'être frappée. Cet institut qui dépend directement des cercles du roi Mohamed VI ne fait pas l'unanimité dans les milieux culturels marocains. Ces membres n'ont aucune crédibilité et aucun savoir-faire. «C'est le résultat d'une mauvaise gestion», dira un homme de culture qui a préféré garder l'anonymat. Bouksim s'explique Rachid Bouksim, directeur du festival Issni N'Ourgh est intervenu pour éclaircir quelques zones d'ombre. Il dira au milieu de la contestation que «le prix national est totalement du ressort de l'Ircam et que le festival n'a rien à voir, ni de près, ni de loin avec cette affaire. Le jury est libre dans sa décision et Issni N'Ourgh dégage toute sa responsabilité», a-t-il ajouté. Notre interlocuteur n'a pas manqué de se féliciter de la réussite du festival pour l'association Issni N'Ourgh. «Les prix ont été décernés et tout le monde est content, ce qui nous honore et nous donne le courage d'aller de l'avant. Rendez-vous pour l'année prochaine donc», dira M. Bouksim. Pour l'année 2010, faut-il le préciser, c'est le court métrage Addad de Abdeslam Bennani qui a été primé, annonce la représentante de l'Ircam. Un prix du jury a été attribué au réalisateur français Christian Lorre pour son film documentaire, Izenzaren qui raconte le parcours d'un groupe de musiciens créé dans les années 70. «Pour les amazighs, ce groupe est un symbole de résistance sociale plus qu'ethnique», dira le réalisateur. Izenzaren chante la répression, la pauvreté, la misère, l'exploitation etc. Rappelons qu'à l'occasion de ce festival qui s'est déroulé du 6 au 9 octobre, le cinéma amérindien a été honoré par la présence du réalisateur péruvien César Galindo. Un hommage particulier est rendu aussi au peuple libyen résistant, comme ont été honorés d'autres figures du monde du cinéma, à l'instar du réalisateur algérien Belkacem Hadjadj.