Les affrontements meurtriers entre coptes (chrétiens d'Egypte) et forces de l'ordre dimanche au Caire ont relancé les craintes d'aggravation des tensions dans un pays qui connaît une transition délicate depuis la chute du président Moubarak. Selon un dernier bilan diffusé par la télévision d'Etat, les affrontements ont fait 25 morts et 329 blessés. Des milliers de personnes ont assisté, lundi 10 octobre dans la cathédrale copte du Caire, aux funérailles de dix-sept manifestants tués la veille.Les 17 cercueils ont été portés au cours d'une marche depuis l'hôpital copte, dans le centre de la capitale égyptienne, où les dépouilles ont été autopsiées, jusqu'à la cathédrale copte, dans le quartier d'Abbassiya. A la fin de la prière, de nombreux fidèles en pleurs ont tenté de toucher les cercueils qui étaient transportés hors de la cathédrale pour être mis en terre. L'un des médecins légistes ayant procédé à l'autopsie des manifestants a affirmé à ONTV que dix corps avaient été écrasés par des véhicules, en ajoutant que, même en 1997, après l'attentat de Louxor, il n'avait pas vu des corps aussi malmenés. Des témoins ont indiqué avoir vu des véhicules de transport de troupes foncer sur les manifestants qui étaient rassemblés devant le siège de la télévision publique, dans le centre de la capitale. Des versions divergentes circulent sur ces affrontements imputés tour à tour aux manifestants coptes – qui constituent la majorité des personnes décédées – aux militaires et aux forces de l'ordre sur place ou encore aux provocations de «voyous». L'armée, aux commandes du pays depuis février, a demandé au gouvernement de «former rapidement une commission d'enquête» pour déterminer les responsabilités des événements survenus dimanche soir et qui se sont prolongés dans la nuit. A l'issue d'une réunion de crise, le Conseil suprême des forces armées (CSFA) a dénoncé «les efforts de certains pour détruire les piliers de l'Etat et semer le chaos». Le patriarche copte orthodoxe, Chenouda III, a mis ces affrontements, les plus meurtriers depuis la révolte qui a provoqué la chute de Hosni Moubarak le 11 février, sur le compte d'«inconnus infiltrés» et a dénoncé le fait que l'on puisse imputer les violences aux manifestants chrétiens. Les violences de dimanche ont eu lieu en marge d'une manifestation de coptes qui protestaient contre l'incendie d'une église dans le gouvernorat d'Assouan (sud). Les premières législatives depuis le départ de M. Moubarak doivent se tenir à partir du 28 novembre, mais leurs modalités sont parfois décriées et beaucoup redoutent qu'elles soient marquées par des violences. L'armée n'a pas encore fourni de calendrier précis pour la remise du pouvoir aux civils, promise après une élection présidentielle dont la date n'est pas encore formellement fixée. «Les dirigeants doivent prendre des mesures sérieuses pour traiter les problèmes à la racine ; autrement, cette situation peut mener à la guerre civile», a estimé lundi Fouad Allam, qui a dirigé les services de sécurité égyptiens pendant vingt ans, en demandant une révision de lois religieuses discriminatoires. L'Egypte connaît depuis plusieurs mois une montée des tensions confessionnelles. D'autres relèvent que les heurts n'ont pas simplement un fondement religieux mais sont alimentés par le ressentiment contre la police et le pouvoir militaire. La Maison Blanche et l'UE préoccupées La Maison Blanche a appelé lundi à la modération de toutes les parties égyptiennes suite aux violents affrontements. Le président Barack Obama est «profondément inquiet» des violences dans la nation arabe. «Le président s'inquiète profondément pour les violences en Egypte qui ont mené à la fin tragique de manifestants et de forces de la sécurité», a déclaré la Maison Blanche dans un communiqué. «Le temps de la modération de toutes les parties est maintenant venu pour permettre aux Egyptiens d'avancer ensemble afin de forger une Egypte forte et unie», selon le communiqué. Au moment où les Egyptiens façonnent leur avenir, les Etats-Unis continuent de penser que les droits des minorités, y compris les coptes, doivent être respectés, et que tout le monde a les droits universels de manifester pacifiquement et de liberté de religion, a souligné la Maison Blanche. De son côté, l'Union européenne (UE) s'est déclarée préoccupée par les affrontements meurtriers entre manifestants.»Je suis extrêmement préoccupée par le grand nombre de morts et de blessés qui ont été recensés au sein de la communauté chrétienne copte», a déclaré la Haute Représentante de l'UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Catherine Ashton, dans un communiqué, et d'ajouter : «Mes pensées vont aux familles des victimes, y compris des forces de sécurité». Exprimant son soutien à «l'appel au calme et à la retenue lancé par le Premier ministre» égyptien Essam Sharaf, Mme Ashton a indiqué qu'il fallait qu'une enquête soit menée pour traduire en justice les auteurs de ces violences.