L'hiver est encore clément mais l'hiver, c'est aussi dans la tête. Alors il peut être là sans qu'on n'y pense parce qu'il est venu trop tôt. Il peut tout aussi bien être absent du thermomètre et présent dans les esprits parce que le calendrier l'a déjà annoncé depuis des semaines. L'hiver est surtout dans les poches. Il y a la loubia qui réchauffe même sans viande et les vieux blousons qui font «habillé» même entamés par l'usure. L'hiver est commode parce que même les pauvres sont pressés de rentrer à la maison. Personne ne marche plus sous la pluie parce que le romantisme est une vieillerie philosophique et les antibiotiques une vieillerie problématique. L'hiver est impitoyable. Il découvre les cheminées qui ne servent rien dans les maisons de ploucs argentés. Il menace d'effondrement la maison du pauvre et contrarie la promenade des amoureux sans logistique. Il fait froid dans les orteils d'enfants sans ramassage scolaire et dans le cœur de retraités orphelins de bancs publics. L'hiver est paradoxal. Il cache des trésors et découvre les ordures. Il dépoussière pour embourber. Il coupe le courant et donne de l'eau. Il tue et ravive. L'hiver est terrible. Il est noir, il est blanc. On souffle sur les mains pour les réchauffer et on souffle sur la soupe pour ne pas se brûler le palier. L'hiver est cocasse. Les rivières débordent et les mégères déballent. On ne bouffe plus parce qu'on a faim, mais parce qu'on a froid. On va se réchauffer au bar parce qu'on… a soif. On place des skis sur le toit de la voiture tout-terrains et on fonce sur Tébessa ou vers Tiaret. L'hiver est une belle saison avec ses avalanches de drames humains. C'est l'horreur en carte postale. Il fait froid et c'est le bonheur chez les exhibitionnistes en écharpe de cachemire. Il pleut un litre et demi et c'est l'enfer des laissés-pour-compte. Les routes sont bloquées mais on s'y aventure. Il y a des morts mais on est content qu'il y ait moins de morts que l'année dernière. L'hiver est long parce qu'il grignote sur le printemps ou parce qu'on a oublié qu'il a été sabré par l'automne. L'hiver est une belle saison si on veut jouer au poète ou suggérer qu'on a le chauffage central. Il fait gris, il pleut un peu mais ce n'est pas vraiment l'hiver. Mais l'hiver, c'est aussi dans la tête. Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir