Les marchés financiers et les spéculateurs ont une part de responsabilité importante dans la mort de 36 millions de personnes chaque année à cause de la malnutrition, a estimé Jean Ziegler, vice-président du comité consultatif du conseil des droits de l'homme des Nations unies et ancien rapporteur spécial de l'ONU pour le droit à l'alimentation. Toutes les cinq secondes, un enfant de moins de dix ans meurt de faim, tandis que des dizaines de millions d'autres souffrent de la sous-alimentation et de ses terribles séquelles physiques et psychologiques. Et pourtant, l'agriculture mondiale d'aujourd'hui serait en mesure de nourrir près du double de la population mondiale, a observé Jean Ziegler. Or, la spéculation et la mainmise des multinationales sur les matières premières créent une pénurie. À cause de la crise financière, les ressources du Programme alimentaire mondial (PAM) ont diminué de moitié, alors que «les financiers continuent de spéculer sur les marchés alimentaires», a souligné Jean Ziegler dans un entretien avec Basta, qui est une agence d'information sur les luttes environnementales et sociales. «Les prix des trois aliments de base, maïs, blé et riz, qui couvrent 75% de la consommation mondiale, ont littéralement explosé», a-t-il également indiqué. «Les spéculateurs boursiers qui ont ruiné les économies occidentales par appât du gain et avidité folle devraient être traduits devant un tribunal de Nuremberg pour crime contre l'humanité», a estimé Jean Ziegler. Dans son essai «Destruction massive. Géopolitique de la faim» (Seuil, 2011), Jean Ziegler avait dénoncé cette «destruction massive» par les marchés financiers. Après un état des lieux documenté, il avait expliqué les raisons de l'échec des moyens mis en œuvre depuis la Seconde Guerre mondiale pour éradiquer la faim et avait identifié les ennemis du droit à l'alimentation. La production des agro-carburants et la spéculation sur les biens agricoles sont, selon lui, les deux grandes stratégies à travers lesquelles progresse à présent le fléau. Malgré le titre alarmant, le livre de Jean Ziegler comprend aussi un message d'espoir en appelant à soutenir la résistance quotidienne de ceux qui, dans les régions dévastées, occupent les terres et opposent le droit à l'alimentation à la puissance des trusts agro-alimentaires.