Le président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'Homme (LADDH), Hocine Zehouane, a estimé hier que le scrutin du 10 mai sera caractérisé par «un fort taux» d'abstention, eu égard, à ses yeux, «à l'éclatement du champ politique» et à un discours «pauvre» lors de la campagne électorale. «Le sentiment dominant est que nous allons vers un fort taux d'abstention ; il est à notre avis malvenu d'en faire une hantise et de vouloir masquer cette éventualité», a-t-il argué lors d'une conférence de presse tenue au siège de la Ligue, considérant dans la foulée qu'il ne faut pas «s'effrayer d'une tendance qui en elle-même peut être porteuse d'un message fort qu'induit une puissante attente, sinon une exigence d'aller vers des refondations nationales audacieuses à la mesure des défis que notre pays doit affronter sur les plans interne et international». Hocine Zehouane n'a pas manqué, dans ce contexte, de s'attaquer à Farouk Ksentini, «un homme de droit pourtant», note-t-il sans le citer, «qui veut criminaliser l'abstention». C'est une erreur, selon Zehouane, qui estime que le vote est un droit et le boycott une position politique. «On entend des voix qui veulent culpabiliser même les intentions, une thèse même a été avancée qui voudrait ériger en délit l'acte de s'abstenir. (…) Ensuite, l'alternative du bulletin blanc que l'on propose pour obliger les gens à se rendre aux urnes que l'on veut habiller de devoir de voter est une mystification», accuse-t-il, citant tous les partis qui se sont évertués durant toute la campagne à inciter les citoyens à voter massivement. Le taux d'abstention le plus élevé, selon lui, sera enregistré en Kabylie et dans les grandes villes. «Il ne faut pas s'affoler ni diaboliser ; nous avons appelé au report des élections vers un meilleur contexte pour leur assurer de meilleures conditions pour leur exercice, mais le besoin de respecter les échéances institutionnelles l'a emporté», a-t-il rappelé. Cette prévision de Me Zehouane est le résultat de «simples observations». Il en fera un constat peu reluisant. «D'abord le paysage politique éclaté, une pléthore de formations même pas dégrossies, plus de 25 000 candidats pour 462 sièges à pourvoir et un discours (de campagne électorale, ndlr) réduit autour des risques de fraude et de présence d'observateurs étrangers», note-t-il. «Que dire de l'ascèse politique et des comportements des prétendants et de leurs cautions à la candidature, des parrainages qui se sont vendus dans les cafés (…) au plus offrant ?», s'interroge-t-il, qualifiant ces agissements de déchéance pour l'idéal démocratique. «L'Algérie de Novembre mérite mieux que ça», dit-il. Me Zehouane appellera toutefois «à prévenir les désillusions» et ensuite «souligner les tendances lourdes qui imposent les échéances prochaines de refondation nationale». «Après le 10 mai, et quels que soient les résultats du scrutin, il faut imprégner les sphères de la décision et toute l'élite du pays qu'il s'agit d'un véritable état de nécessité historique», préconise-t-il. «Après le 10 mai, il faut en tirer des lectures, relever les défis, c'est capital, car le pays fait face à une situation régionale nouvelle et une situation interne les plus déplorables sur le plan social», relève Zehouane pour lequel «il faut reconstruire l'édifice constitutionnel algérien, et sur le plan économique, aller vers l'économie de production».