Bankia a voulu rassurer samedi après sa demande d'aide historique de 19 milliards d'euros qui, ajoutée à celle que pourraient solliciter les régions ultra-endettées, relance les spéculations sur le risque d'un plan de sauvetage de l'Espagne. "Je suis certain que l'Etat espagnol va obtenir le financement", a assuré son président Jose Ignacio Goirigolzarri, lors d'une conférence de presse, en expliquant que ces chiffres exceptionnels étaient dus à la crise économique qui touche particulièrement l'Espagne depuis l'éclatement de la bulle immobilière en 2008. Selon lui, la quatrième banque cotée du pays sera "solide, efficace et rentable" avec un plan d'assainissement qui prévoit que les 19 milliards supplémentaires seront versés, via le fond public d'aide au secteur bancaire (Frob), "au cours du mois de juillet". Au total, l'Etat aura dû renflouer la banque de 23,5 mds d'euros, après l'aide de 4,5 mds annoncée le 9 mai, sous forme de prêt transformé en participation, un sauvetage historique dans le secteur bancaire espagnol. Mais l'opposition et les petits actionnaires ont fustigé samedi une gestion désastreuse et réclamé des têtes. Car la banque a finalement également reconnu une perte pour 2011 de 2,979 milliards d'euros, contre un bénéfice de 309 millions affiché précédemment. L'ex-président Rodrigo Rato, poussé à la démission avec son équipe, aurait-il failli? Que répondre aux petits actionnaires qui ont vu plonger le titre de plus de la moitié de sa valeur depuis l'entrée en Bourse du groupe en juillet 2011? "Je ne suis pas venu ici pour purger", a répondu M. Goirigolzarri, en soulignant que son prédécesseur Rodrigo Rato, connu pour avoir été ministre de l'Economie et directeur général du FMI, avait dû faire face à une situation "très complexe". Bankia s'est fortement exposée au secteur immobilier, un des piliers de l'économie espagnole. Elle compte un portefeuille immobilier de 37,5 milliards d'euros, dont la très grande majorité (31,8 milliards) est problématique (crédits risquant de ne pas être remboursés, logements saisis...). L'Etat s'est engagé à apporter tous les fonds nécessaires à Bankia qui représente 10% du système financier espagnol et est donc considérée comme une banque "systémique", ne pouvant pas faire faillite sous peine de contaminer tout le secteur. S'il est le plus spectaculaire, ce sauvetage n'est pas le seul du secteur, de plus en plus mal noté par les agences et qui accumulait, fin 2011, 184 milliards d'euros d'actifs immobiliers problématiques, soit 60% de son portefeuille. Au total, huit institutions bancaires ont reçu des fonds publics pour un montant de 32,869 milliards d'euros et 6,2 mds d'euros ont été versés par le Fonds privé de garantie des dépôts, selon le journal l'Expansion. Les pertes du secteur pourraient atteindre 260 milliards d'euros et le secteur pourrait avoir besoin d'une aide allant jusqu'à 60 milliards d'euros, selon l'Institut de la finance internationale (IIF). Et l'Etat va encore devoir mettre la main à la poche pour abonder le Frob dont la capacité de 15 milliards est insuffisante. De quoi encore alourdir les comptes de l'Etat et relancer les spéculations sur un éventuel recours au fond de secours européen, en dépit des dénégations du gouvernement. D'autant que Madrid qui doit aussi voler au secours des régions très endettées. La Catalogne, dont le déficit public a atteint 3,29% du PIB en 2011 et confrontée à d'énormes coûts de refinancement, a exhorté vendredi Madrid à autoriser les régions endettées à recourir à des obligations régionales émises conjointement. Le gouvernement a déjà annoncé avoir souscrit un prêt syndiqué de 30 mds d'euros, qui pourra être porté à 35 milliards si besoin pour aider les collectivités à payer les factures impayées qui s'élèvent à 19,4 milliards. En échange, le gouvernement, a imposé l'austérité aux régions et adopté un plan d'une rigueur historique de plus de 27 milliards. L'objectif reste de ramener le déficit public du pays à 5,3% cette année contre de 8,9% du PIB en 2011, difficilement tenable, selon de nombreux experts.