Les pertes des banques espagnoles pourraient atteindre 260 milliards d'euros et le secteur pourrait avoir besoin d'une aide allant jusqu'à 60 milliards d'euros, a affirmé, avant-hier, l'Institut de la finance internationale (IIF). Basant leur calcul sur les banques irlandaises, qui ont aussi affronté l'éclatement d'une bulle spéculative dans l'immobilier, les économistes de l'organisation bancaire de Washington ont estimé les pertes des banques espagnoles entre 218 et 260 milliards d'euros en 2012-2013. "Un certain nombre de facteurs laissent penser que les pertes pourraient se situer dans le haut de cette fourchette. Les perspectives macroéconomiques de l'Espagne sont pires que celles auxquelles l'Irlande a été confrontée, notamment en termes de croissance et de chômage", ont-ils indiqué dans une note sur l'économie mondiale. "Le plus gros des pertes devrait être généré par les prêts immobiliers, qui sont concentrés au sein des Cajas", les caisses d'épargne régionales, ont-ils ajouté. L'IIF, une association regroupant quelque 450 banques dans le monde, a noté que les banques espagnoles avaient pu trouver en interne suffisamment de capital pour mettre quelque 110 milliards d'euros de côté au titre de créances douteuses, et que certaines d'entre elles devraient avoir la capacité financière de résister. Mais pas toutes. "D'importantes différences entre banques suggèrent que bon nombre d'entre elles devraient avoir besoin d'une aide de l'Etat, notamment les Cajas", indiquent les économistes de l'organisation. Dans le pire des cas, ils estiment que l'aide du gouvernement pourrait atteindre 50 à 60 milliards d'euros. Mais ce scénario du pire pourrait être évité, selon eux, notamment du fait que les critères d'attribution de prêts des banques espagnoles sont beaucoup plus stricts que ceux des banques irlandaises à l'époque, notamment en termes de pourcentage d'apport initial de l'emprunteur. "En outre, les prêts immobiliers sont moins concentrés en Espagne. La plupart des banques ont finalement des portefeuilles de prêts plus diversifiés", selon l'IIF. " Aucun type d'aide extérieure" L'Espagne n'a besoin "d'aucun type d'aide extérieure" pour assainir son secteur bancaire, qui croule sous les actifs immobiliers risqués depuis l'éclatement de la bulle, a affirmé, avant-hier, son ministre de l'Economie, Luis de Guindos. "Aucun type d'aide extérieure ne sera nécessaire", a-t-il assuré lors d'un forum organisé par le journal Cinco Dias, alors que le gouvernement vient de demander aux banques un nouvel effort de provisions de 30 milliards d'euros, et "si besoin, le Frob (fonds public d'aide au secteur) sera là pour injecter" des fonds. Concernant Bankia, la quatrième banque cotée du pays qui vient d'être partiellement nationalisée, M. de Guindos a estimé que serait nécessaire, au total, "un assainissement supplémentaire de 7 à 7,5 milliards d'euros", soit environ 3 milliards de plus que les 4,465 milliards d'euros de prêts publics récemment convertis en participation, pour permettre la prise de contrôle de l'Etat. Le gouvernement a indiqué récemment qu'il confierait à deux sociétés d'audit indépendantes une mission d'évaluation de son secteur bancaire, ce qui permettra d'"éliminer les incertitudes et de générer de la confiance", a souligné le ministre. "Nous avons reçu les offres" des sociétés candidates et "dès aujourd'hui (lundi) le ministère de l'Economie indiquera quelles sont les sociétés d'audit" choisies. Ces sociétés mèneront "pendant un mois, un test de résistance sur la situation des banques", avant de réaliser "une deuxième évaluation, qui prendra un peu plus de temps", a-t-il précisé. "Je suis assez confiant" sur le résultat attendu, a assuré M. de Guindos: "le gouvernement est ouvert à ce que diront les sociétés d'audit indépendantes, mais je crois que l'effort qui a été fait, et le FMI le confirmera d'ici quelques jours (dans un rapport), est particulièrement significatif". Le secteur bancaire, qui devra réaliser 30 milliards d'euros de provisions supplémentaires, en a déjà effectué pour 53,8 milliards, à l'issue d'une précédente réforme en février. Emprunt de 2,526 milliards d'euros à 3 et 6 mois L'Espagne a emprunté, hier, 2,526 milliards d'euros à 3 et 6 mois, un peu plus que la fourchette visée, mais a dû concéder des taux d'intérêt en hausse, alors que son secteur bancaire, fragilisé par ses actifs immobiliers risqués, inquiète toujours les marchés. Par rapport à la dernière émission similaire, le 24 avril, les taux ont monté, s'affichant à 0,846% pour les bons à 3 mois (contre 0,634%) et à 1,737% pour ceux à 6 mois (contre 1,580%), selon un communiqué de la Banque d'Espagne, même si la demande a été importante, à 10,3 milliards d'euros. Le Trésor visait une fourchette de 1,5 à 2,5 milliards et a donc emprunté un peu plus que prévu, malgré cette hausse des coûts de financement. L'Espagne voit ses taux d'intérêt augmenter à chaque émission obligataire depuis plusieurs semaines, tandis que la Bourse madrilène a renoué avec ses niveaux les plus bas depuis la mi-2003, signe d'une défiance des investisseurs. Ces derniers sont de plus en plus inquiets face au secteur bancaire espagnol, qui croule sous les actifs immobiliers risqués. Ayant prêté à tout-va pendant la bulle, qui a éclaté en 2008, le secteur a en effet sur les bras 184 milliards d'euros d'actifs immobiliers problématiques - des crédits risquant de ne pas être remboursés et des immeubles saisis dont la valeur est incertaine -, soit 60% du portefeuille des établissements espagnols.