Les islamistes qui contrôlent Tombouctou dans le nord du Mali depuis trois mois, ont poursuivi lundi la destruction de biens religieux en brisant la porte sacrée d'une mosquée du XVème siècle, après avoir démoli pendant le week-end sept des seize mausolées de saints musulmans de la ville. "Les islamistes viennent de détruire l'entrée de la mosquée Sidi Yayia (bien Yayia) de Tombouctou", située dans le sud de la ville, "ils ont arraché la porte sacrée qu'on ouvrait jamais", a affirmé un de ces témoins, information confirmée par d'autres habitants de Tombouctou. L'un d'eux, ancien guide touristique de la ville a déclaré: "Ils sont venus avec des pioches, ils ont commencé par crier +Allah+ et ils ont cassé la porte. C'est très grave. Parmi les civils qui regardaient ça, certains ont pleuré". Un membre de la famille d'un imam qui a affirmé avoir discuté avec les islamistes du groupe armé Ansar Dine (Défenseurs de l'islam) qui imposent leur loi dans la ville depuis le 1er avril, a dit qu'ils avaient agi ainsi car "certains disaient que le jour où on ouvrirait cette porte, ce serait la fin du monde et ils ont voulu montrer que ce n'est pas la fin du monde". La porte en bois située côté sud de la mosquée de Sidi Yayia est fermée depuis des décennies, car selon des croyances locales, son ouverture éventuelle porterait malheur. Cette porte conduit vers un tombeau de saints et si les islamistes l'avaient su, "ils auraient tout cassé", selon un autre témoin. Après les mausolées de saints, Ansar Dine avait menacé ce week-end de s'en prendre aux mosquées de la ville, affirmant agir "au nom de Dieu" et en représailles à la décision de l'Unesco, le 28 juin, d'inscrire Tombouctou sur la liste du patrimoine mondial en péril. La mosquée Sidi Yahia fait partie des trois grandes mosquées de Tombouctou avec celles de Djingareyber et Sankoré, joyaux architecturaux témoignant de l'apogée de la ville. Elles figurent toutes les trois sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco. Des saints sont enterrés dans les mosquées de Djingareyber et Sidi Yahia, selon un expert malien. L'Association des leaders religieux du Mali a condamné "le crime de Tombouctou". "Même le prophète (Mahomet) lui-même allait visiter les tombes et les mausolées. C'est de l'intolérance", a estimé l'association dans un communiqué publié dimanche soir. L'Unesco a estimé que la présence des islamistes mettait en danger Tombouctou ville mythique, surnommée "la cité des 333 saints", en référence aux personnages vénérés de son passé qui y gisent. Fatou Bensouda, procureur de la Cour pénale internationale (CPI), a déclaré dimanche à Dakar que la destruction de biens religieux à Tombouctou pouvait être considérée comme "crime de guerre" passible de poursuite. "Mon message à ceux qui sont impliqués dans cet acte criminel est clair: arrêtez la destruction de biens religieux maintenant. C'est un crime de guerre pour lequel mes services sont pleinement autorisés à enquêter", a-t-elle dit. Le gouvernement malien a également dénoncé pendant le week-end "la furie destructrice assimilable à des crimes de guerre" d'Ansar Dine, groupe allié à Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), menaçant les auteurs de ces actes de poursuites au Mali et à l'étranger. La démolition de bâtiments religieux à Tombouctou par les islamistes rappelle le sort d'autres ouvrages du patrimoine mondial, dont les Bouddhas de Bamyan, dans le centre de l'Afghanistan, détruits en mars 2001 par les talibans et leurs alliés d'Al-Qaïda. Les islamistes d'Ansar Dine, mais également du Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao), alliés d'Aqmi, ont profité d'un coup d'Etat militaire, le 22 mars à Bamako, pour accélérer leur progression dans tout le nord du Mali qu'ils contrôlent désormais au détriment de la rébellion touareg. Leur objectif est d'imposer la charia (loi islamique) dans tout le Mali.