Le Sénat marocain a voté, samedi soir, une résolution dans laquelle il demande au gouvernement de Abbas El Fassi d'agir pour faire inscrire la question de Ceuta et Melilla, en plus des quelques rochers des alentours sous souveraineté espagnole, dans l'agence du Comité de Décolonisation des Nations unies (la IVe commission) chargé des territoires coloniaux. Report de la «marche vers Ceuta» La chambre haute, qui demande que soit établi désormais le visa obligatoire d'entrée au Maroc pour les ressortissants espagnols, emboîte donc le pas au Parlement national où les députés, toutes tendances politiques confondues, avaient appelé, jeudi, l'Exécutif à «reconsidérer les relations avec l'Espagne dans tous les domaines» et à inscrire, désormais, la question des «deux villes occupées» à l'ordre du jour des réunions de haut niveau qui se déroulent, chaque année, entre les deux pays. Jusque-là, le Maroc, gouvernement et partis politiques, mettaient sur la table cette question, uniquement quand un incident diplomatique surgissait dans les relations entre les deux pays. Cette fois, les Marocains semblent plus déterminés à faire des deux villes, fondées dans le nord du Maroc par les Portugais qui les ont vendues au XVe siècle à l'Espagne, une revendication institutionnelle permanente. Les sénateurs ont demandé au peuple marocain de se «mobiliser pour défendre la cause sacrée de la nation, l'intégrité du territoire marocain». Cet appel suggère aux Marocains de se mobiliser autant dans le cas de Ceuta et Melilla que dans celui du Sahara occidental qui est à l'origine de la nouvelle crise diplomatique avec l'Espagne. Au moins deux millions de personnes avaient manifesté à Casablanca, à la fin du mois dernier, pour protester contre le Parti Populaire (PP), la principale force d'opposition en Espagne, qui avait appelé à la condamnation de la prise d'assaut du camp de toile de Gdeim Izik par les forces marocaines, le 8 novembre dernier. Prudence à Madrid Hier, une marche populaire devait avoir lieu en direction de Ceuta, avant que ses organisateurs, craignant un faible impact de cette action en raison de l'état d'alerte de la grève des contrôleurs aériens en Espagne, ne décident de la reporter à une date ultérieure. Le gouvernement espagnol continue d'observer depuis le début de cette campagne une grande prudence pour éviter une détérioration de ses relations difficilement normalisées par le président Zapatero, dès son arrivée au pouvoir en 2004, après la crise de Perejil de juillet 2002. Tour à tour les dirigeants espagnols appellent le voisin à la «modération». La ministre des Affaires étrangères, Trinidad Jimenez, ne veut pas croire, pour le moment, à une nouvelle crise diplomatique avec Rabat tant, d'après elle, les relations entre Rabat et Madrid sont «exemplaires», parce que le Maroc est un partenaire «stratégique» de l'Espagne. La revendication de Ceuta et Melilla reste, aux yeux de la diplomatie espagnole, plus le fait des partis et des parlementaires ou de la société civile que du gouvernement ou du palais royal. Manque de conviction chez les Marocains Depuis son intronisation, il y a 11 ans, le roi Mohammed VI a régulièrement évoqué cette question mais avec beaucoup moins d'insistance que son défunt père, feu Hassan II. Hier, la présidence espagnole a averti, bien qu'en termes modérés, que l'«hispanité» des deux présides espagnols n'est pas négociable. Madrid répond par la sérénité chaque fois que la question de Ceuta et Melilla est soulevée à Rabat. Les autorités espagnoles croient que le roi Mohammed VI n'optera jamais pour une seconde «Marche verte» en direction des présides, trop préoccupé qu'il est par le problème du Sahara occidental, sa grande «priorité». On doute aussi à Madrid de la conviction profonde qu'ont les autorités marocaines de croire qu'un jour Ceuta et Melilla passeraient sous souveraineté du royaume alaouite. La manière même, trop conjoncturelle, par laquelle le Maroc formule cette revendication est en soi discutable. On sait en Espagne, qu'en dernier ressort, un référendum – encore inimaginable à ce stade – consacrerait l'«hispanité» des deux présides à 90%… parmi la population d'origine marocaine.