L'opération d'éradication des marchés informels enclenchée il y a quelques semaines suit son cours. Aujourd'hui, les forces de sécurité sont appelées à «nettoyer» le marché Ali-Mellah, situé place du 1er- Mai. Les quelque 200 commerçants illégaux que regroupe ce marché ont eu jusqu'à hier pour libérer les lieux. Les plus entêtés devront faire face à un important contingent de policiers mobilisés pour la réussite de cette opération. Ainsi, après les marchés de Belouizdad, de la place des Martyrs, de Bab El Oued et de Birkhadem, c'est au tour du marché Ali-Mellah d'être programmé. Il sera fermé pendant une semaine pour des travaux d'assainissement et de rénovation. Tous ses locataires seront sommés de respecter l'espace qui leur a été réservé, faute de quoi ils payeront des amendes qui seront fixées par la loi. Hier, la tension était à son comble au niveau de ce marché avec le début de l'opération de déménagement des tables, étals et tentes exploités par les jeunes gens pour la vente d'articles vestimentaires, chaussures, lingerie et cosmétiques. Désespérés, ils l'étaient, car ils sont convaincus que l'Etat ne prendra pas en charge leur problème. Les squatteurs des marchés déjà «nettoyés», comme celui de Birkhadem, ne désespèrent pas pour autant. Ils tentent leur chance en installant de petites quantités de marchandises, espérant tromper la vigilance des policiers mobilisés en force sur ces lieux. Les commerçants informels de la place des Martyrs sont, quant à eux, venus encombrer la rue Bab Azzoun, non encore touchée par l'opération. Casés pour quelque temps, ils savent qu'il faut trouver d'autres issues avant que cette mesure de «répression» ne les touche. Interrogé, Kamel, jeune vendeur à la sauvette, raconte que la plupart de ses copains sur cet espace nourrissent des familles entières. «Si on ferme mon commerce, je ne vois pas d'autre choix que d'aller voler. Mon père est malade et ne travaille plus. Je suis obligé de faire vivre mes sœurs et mes frères. L'Etat nous pousse au crime», tonne-t-il, avant d'ajouter : «Pourquoi n'a-t-on pas pensé à la création d'emplois avant de fermer le marché informel ?» Le ministre du Commerce a inversé l'opération Contacté par Le Temps d'Algérie, Abdelmalek Seraï, expert international, a estimé que le ministère du Commerce a inversé l'opération. «C'est une très mauvaise chose. Le ministère, au lieu d'accélérer la réalisation de marchés de proximité dans chaque commune et inviter ces jeunes commerçants informels à organiser leur commerce, a inversé l'opération. Contre toute attente, il a lancé l'opération d'éradication du marché parallèle en utilisant la force, ce que je réprouve», proteste-t-il. «J'ai toujours proposé qu'on mette en place un programme national sérieux qui s'étalera sur cinq ans pour la construction de marchés locaux et d'espaces commerciaux. Si les communes ne sont pas en mesure de réaliser ce projet d'envergure, l'Etat peut et doit s'inspirer de l'expérience étrangère, notamment celle de la Suède et de l'Allemagne, deux pays qui sont très avancés dans ce domaine», explique notre interlocuteur. Selon lui, un travail de recensement doit avant tout avoir lieu afin d'évaluer la masse monétaire qui sera soumise aux services fiscaux. Les commerçants seront bénéficiaires de cartes qui leur profiteront dans le futur. M. Serai a estimé que cette opération est un échec et que le marché informel ne sera jamais éradiqué réellement. «Ces commerçants reviendront sous d'autres formes et sous d'autres cieux. Ils parasiteront les alentours des villes», martèle-t-il. Selon lui, cette initiative démontre le manque de compétence du ministère du Commerce et incite éventuellement les jeunes devenus oisifs à s'adonner au vol, voire au crime. «Ces jeunes n'ont désormais pas où aller», regrette-t-il. Il insiste sur l'importance d'un travail de sensibilisation et de vulgarisation pour expliquer à ces jeunes les conséquences du marché informel sur l'économie nationale. De son point de vue, il aurait fallu former une partie de ces trabendistes et octroyer des locaux commerciaux à d'autres avant toute opération de ce genre.