«Les relations franco-algériennes sont encore définies par les questions mémorielles, il faudra du temps pour les dépasser et repartir sur de bonnes bases», estime le directeur du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R), Eric Denécé. De passage, hier, au sein de notre rédaction, le chercheur français a abordé le sujet des relations bilatérales de nos deux pays. Il regrette que l'image qu'ont les Français des Algériens soit entachée de préjugés nés de la confusion qu'ils font entre les jeunes des banlieues françaises, originaires des pays maghrébins, et les peuples du Maghreb. «On ne fait pas en France la différence entre les Français des banlieues qui sont originaires d'un des pays du Maghreb et les Algériens qui, eux, n'ont rien à voir avec ce qui se passe dans les banlieues», a-t-il regretté. M. Denécé explique qu'après avoir rencontré des Britanniques d'origine pakistanaise et indoue, ces derniers ont pu lui apporter une réponse quant à leur intégration «plus facile» dans le pays qui avait pourtant colonisé leur pays d'origine. «Une partie de l'explication de la relation conflictuelle qui persiste entre les communautés venant d'une ex-colonie et leur pays d'accueil réside dans le fait que leur indépendance est encore beaucoup trop récente. L'Inde et le Pakistan ayant obtenu leur indépendance plus tôt, dans les années quarante. Ainsi, seulement cinquante ans nous sépare d'une histoire qui a été particulièrement douloureuse», juge M. Denécé. «Aussi, l'inde et le Pakistan sont géographiquement éloignés du pays colonisateur. Les émigrés ne s'y rendent donc pas souvent tandis que les Français d'origine algérienne partent souvent chez de la famille - qui a souffert de la colonisation - se nourrir aux racines d'une forme de ressentiment», poursuit-il, tout en soulignant que le même problème se trouve de l'autre côté également. Ainsi, des «Français ayant particulièrement souffert de la Guerre d'Algérie sont encore en vie, comme les Pieds-Noirs, qui estiment qu'on les a arrachés à une terre à laquelle ils s'étaient attachés», explique-t-il. Le directeur du CF2R estime que tant que les personnes ayant vécu la guerre sont en vie il y aura des blocages des deux côtés. Mais, il se dit confiant quant à l'amélioration des relations dans l'avenir. «C'est une question de temps. Seules les jeunes générations pourront dépasser notre histoire. Elles pourront faire quelque chose d'irréalisable encore. Nos deux pays vont pouvoir se regarder sur un pied d'égalité», ajoute M. Denécé. Il souligne également qu'en France «on ne mesure pas à quel point les médias français sont regardés en Algérie. Ainsi, tout une série de débats franco-français où nombre de bêtises sont dites sur les plateaux de télévision français sont écoutés par les Algériens», explique-t-il, en invitant «les Français à faire plus attention».