Le Temps d'Algérie : En prélude à la prochaine révision de la Constitution, le Premier ministre a lancé une série de rencontres avec les partis politiques. Quelle lecture faites-vous de ces rencontres ? Fethia Benabbou : Cette consultation est la première étape qui précède la révision constitutionnelle. La consultation des partis politiques n'est pas toujours nécessaire ou obligatoire. En revanche, si nous voulons avoir un consensus politique, nous devons associer les forces politiques pour que les dispositions introduites soient acceptées. C'est une phase de négociations ou de compromis politique en quelque sorte. Elle est importante, car en associant les forces politiques, nous serons sûrs que nul ne contestera cette Constitution. En associant les forces politiques, nous arriverons à un pacte politique, un consensus garantissant la préservation des intérêts de tous. La consultation permet donc d'avoir un consensus plus large, mais elle n'est pas forcément nécessaire. Si le gouvernement a décidé d'associer les partis politiques, c'est une bonne chose. Mais s'il ne le fait pas, cela n'aura pas de conséquences juridiques sur la révision de la Constitution. Les partis politiques consultés doivent être représentatifs en termes d'ancrage populaire. En les associant, la Constitution sera acceptée. Pensez-vous que les constitutionnalistes doivent être consultés pour préparer la révision constitutionnelle ? La prise de décision politique revient aux hommes politiques. Les constitutionnalistes peuvent être éventuellement sollicités pour finaliser le texte dans un souci de cohérence des textes. Quelle est l'importance de la Constitution ? C'est la loi fondamentale. La Constitution donne la nature d'un régime politique. Chaque société a son type de légitimité. Dans notre pays, nous trouvons la légitimité religieuse, charismatique et la légitimité légale rationnelle. Une grande partie de la population adhère au discours de type religieux. La légitimité légale rationnelle n'est pas de ce fait importante car l'Algérien n'a pas atteint le niveau des pays occidentaux. C'est-à-dire lorsqu'on croit que c'est la loi qui réglemente. L'Algérie n'est plus celle des années 1990. Il y avait une intelligentsia qui a quitté le pays. Je ne sais pas si les intellectuels vont défendre leurs points de vue. Quelles sont les dispositions qu'il faut introduire à votre avis ? D'abord, s'agit-il de révision profonde ou non ? En tout cas, j'aimerais que les mandats présidentiels soient limités pour permettre une alternance au pouvoir et à d'autres forces politiques d'émerger. Ce qu'il faut savoir dans une Constitution : on opte plus pour la sécurité ou pour la liberté. Dans un environnement de terreur, on accepte des dispositions transitoires pour que la sécurité soit assurée, mais on aura sacrifié la liberté. Les gens ont plus tendance à rechercher la sécurité au détriment de la liberté. La Constitution a été révisée au moins six fois. Quelle lecture en faites-vous ? L'instabilité constitutionnelle révèle l'inaptitude à prévoir à long terme les crises politiques. Les précédentes constitutions sont mal rédigées, elles sont soit trop rigides soit trop souples. La norme juridique n'a pas été concrètement formalisée. Une bonne Constitution doit être révisée par les juristes. Cependant, dans les précédentes Constitutions, il y a eu des articles mal rédigés qui ne prévoient pas de prévisions à long terme. Nous devons réfléchir sur ce que nous voulons et prévoir tous types de problèmes et les éventuelles crises politiques qu'ils peuvent entraîner.