La nationalisation des hydrocarbures était une priorité du jeune Etat indépendant dès 1963. «Le recouvrement de la souveraineté nationale sur le secteur des hydrocarbures a ouvert de nouvelles opportunités pour le développement de l'économie nationale», a fait savoir le ministre de l'Energie et des Mines, Youcef Yousfi, dans une déclaration citée par l'APS. Il a expliqué que depuis cette date, «les exportations algériennes en pétrole et en gaz ont généré plus de 800 milliards de dollars de revenus qui ont permis de financer le développement économique et social du pays». Une ordonnance signée le 11 avril 1971 a promulgué la loi fondamentale sur les hydrocarbures, définissant dès lors le cadre dans lequel devait s'exercer l'activité des sociétés étrangères en matière de recherche et d'exploitation pétrolières. Les intérêts miniers portant sur les gisements de gaz naturel ainsi que tous les intérêts détenus dans les sociétés de transport d'hydrocarbures ont été également nationalisés le 24 février 1971. Les nouvelles conditions régissant les activités des compagnies pétrolières françaises en Algérie après la nationalisation des hydrocarbures ont donné lieu à deux accords, l'un signé le 30 juin 1971 par Sonatrach avec CFPA, l'autre le 13 décembre de la même année entre Sonatrach et ELF-ERAP. Un contexte géopolitique qui a favorisé cette prise de décision Les années 1970 ont fait émerger le mouvement des non-alignés et les grands bouleversements politiques et économiques ont révélé le rôle stratégique des hydrocarbures. Nicolas Sarkis, expert international en énergie, estime dans un entretien accordé à l'APS, que l'Algérie est pionnière parmi les pays exportateurs de pétrole et que son geste est historique. «Parmi les pays exportateurs, l'Algérie a le grand mérite d'avoir été un pionnier tout d'abord dans l'amorce, dès février 1971, soit neuf ans seulement après l'indépendance, du processus de nationalisation de son industrie pétrolière et gazière», a-t-il indiqué. Il a expliqué que le contexte iranien : «Le quasi-échec de la nationalisation du pétrole iranien près de vingt ans auparavant, le renversement du Premier ministre iranien Mohammed Mossadegh et l'assassinat de son ministre des Affaires étrangères, Hossein Fatemi, avaient tétanisé l'ensemble des pays nouvellement indépendants et rendu le mot nationalisation du pétrole synonyme de suicide politique et physique». Il a souligné que «le mérite de l'Algérie est d'autant plus grand qu'elle était alors un nouveau venu parmi les pays exportateurs, avec une indépendance politique acquise en 1962, et une société nationale, Sonatrach, qui n'avait que six ans». Un rôle précurseur dans la maximisation du revenu par baril En outre, il a estimé qu'en prenant une telle décision, «l'Algérie avait abattu le mur de la peur, ouvrant la voie à la liquidation de l'ancien régime des concessions, à travers les nationalisations en Libye, en Irak et en Syrie, ainsi que la prise de contrôle des sociétés concessionnaires dans les pays arabes du Golfe». Pour l'ancien directeur du Centre arabe d'études pétrolières et de la revue Pétrole et gaz arabes, «les mesures de nationalisation de l'industrie des hydrocarbures en Algérie ont marqué un tournant capital dans l'histoire de l'industrie pétrolière et gazière mondiale». Selon lui, l'Algérie a également été précurseur dans «le domaine de la maximisation du revenu par baril exporté, moyennant un accroissement des prix et un ajustement de la fiscalité». Il juge toutefois que le pays gagnerait à «opérer un arbitrage entre, d'une part, la nécessité d'exporter suffisamment de pétrole et de gaz pour financer son développement et couvrir ses dépenses courantes et, d'autre part, la nécessité non moins impérieuse de prolonger, autant que faire se peut, la vie de ses gisements et assurer les besoins de consommation des générations futures». «Il vaut mieux conserver cette ressource sous terre comme un actif et un matelas de sécurité que de la transformer en avoirs financiers qui, au mieux, sont rongés par l'inflation» a-t-il souligné, relevant que le risque est d'autant plus redoutable puisque «les hydrocarbures en Algérie, couvraient il y a une quarantaine d'années près des deux tiers des exportations et en représentent aujourd'hui pas moins de 97-98%», a-t-il expliqué.