Le système politique au Venezuela ne va pas disparaître dans le pays, estiment hier des politologues algériens au lendemain du décès du leader populaire Hugo Chavez, suite à une longue maladie. «Sa mort ne signifie pas forcément la fin de l'idéologie socialiste», a précisé le professeur Chems Eddine Chitour qui a qualifié cette disparition d'un «coup de tonnerre dans un ciel serein car tous s'accrochaient à l'idée qu'il pouvait survivre à sa maladie». «Il a été un modèle pour toute l'Amérique du Sud et le mouvement qu'il a initié va être repris par d'autres pays tels que l'Argentine, le Brésil et tous ceux qui œuvrent à se libérer de leur dépendance vis-à-vis des Etats-Unis», a-t-il ajouté. «La politique de ces pays fait, d'ailleurs, obstacle au néolibéralisme et j'en veux pour preuve l'Argentine qui a réussi à payer sa dette et s'en sortir», a-t-il poursuivi. «Le grand capital a peur de ces pays car leurs économies, leurs ressources et l'intelligence de leurs dirigeants font obstacle aux projets des grandes organisations capitalistes», estime M. Chitour qui souligne que «Chavez a déjà préparé sa relève et cela signifie que son héritage va se perpétuer pendant encore très longtemps.» L'universitaire Ali Igoudjil est allé dans le même sens pour dire que le pays très cher à Chavez ne va pas prendre d'ores et déjà un tournant politique. Pour ces deux spécialistes des questions internationales, Chavez représente un rempart contre «l'impérialisme occidental en général et américain en particulier». «Chavez se réclamait de la Révolution bolivarienne. Son mentor était Simon Bolivar qui a diffusé de nouvelles idées qui œuvraient à promouvoir le développement humain. Il a été un continuateur et a su comment convaincre d'autres dirigeants que le développement ne passe pas par le néolibéralisme mais par un développement endogène. C'est-à-dire qu'il est possible d'atteindre un certain niveau sans être assujetti aux normes du Fonds monétaire international pour lequel les peuples ne sont pas une priorité», a expliqué Chitour. M. Igoudjil estime que «Chavez représentait beaucoup pour les peuples, notamment arabes et qu'il était la figure d'opposition au régime américain». «Laissez les chiens de l'Empire aboyer, c'est leur travail. Le nôtre, c'est de se battre pour achever la véritable libération de notre peuple», avait déclaré Hugo Chavez à l'intention du régime de George W. Bush. Le bilan du défunt Interrogé sur le bilan du défunt, le professeur Chitour estime que le peuple est acquis à la révolution, ce qui était l'une des priorités du dirigeant Chavez, lequel a sorti de la précarité 40% de la population. «On dit que Chavez est populiste, mais pour moi, ce n'est pas le cas. Je pense qu'il est populaire, ce qui est une notion différente. Le pays regorge de ressources énergétiques dont une panoplie de schistes lumineux qui est un futur eldorado pas encore exploité. Grâce à la manne pétrolière, il a su mener d'importants programmes sociaux dont l'alphabétisation de la population, l'accès à l'eau potable, l'accès aux soins. Il a mené le pays au rang de 4e puissance économique d'Amérique du Sud. Son credo était la nationalisation, la redistribution de terres, le micro-crédit. De plus, et il est important de le souligner, la compagnie pétrolière nationale PPDVSA est autonome. Elle ne sous-traite pas à l'étranger pour le raffinage, le forage. Elle dispose d'énormes potentialités et suscite les convoitises. Le Venezuela est un pays de 30 millions d'habitants, mais grâce à Chavez, il a marqué son époque», a-t-il encore souligné. A contrario, l'universitaire Ali Igoudjil estime que le bilan de l'ancien président n'est ni positif ni négatif et qu'il reflète la politique d'un nationaliste. Interrogé sur le devenir des relations entre le Venezuela et les Etats-Unis, M. Chitour estime qu'il y a toujours eu des relations commerciales entre les deux pays et qu'elles ne cesseront pas. Toutefois, ajoute-t-il, le problème est d'ordre idéologique. «Tant que les Etats Unis considéreront les pays sud-américains comme leur chasse gardée et non leur partenaire d'égal à égal, les relations seront toujours tendues», a-t-il soutenu. M. Igoudjil pense que «les USA attendaient la mort de Chavez avec impatience et que les rapports vont peut-être changer, mais pas évoluer de manière significative. Les deux spécialistes pensent que le vice-président Nicolas Maduros tentera de perpétuer sa politique, qu'il pourrait faire preuve d'ouverture. Un héritage à suivre L'ancien leader Chavez a eu de très bons rapports avec l'Algérie, et selon le professeur Chitour, il a réussi, lors de sa visite à Alger, à convaincre le président Bouteflika de revenir sur la loi des hydrocarbures de 2005 libéralisant le secteur pétrolier algérien, arguant que l'Algérie avait été pionnière dans la nationalisation des hydrocarbures et qu'elle ne pouvait donc modifier son héritage sous peine de pertes importantes. En outre, ils jugent que l'Occident va tenter de s'impliquer dans le processus de transition politique, et ce, en se rapprochant de l'opposition. «Si le peuple vénézuélien est toujours dans les mêmes dispositions affectives, il suivra l'héritage de Chavez», indique M. Chitour qui estime que la démocratie existe dans ce pays et que des médias occidentaux ont mené une véritable campagne d'intoxication à son égard. «Il ne faut pas être esclave d'une doxa occidentale qui diabolise tout ce qui est différent d'elle. Il est vrai que des problèmes existent, notamment la dépendance envers les hydrocarbures à l'instar de l'Algérie. Mais le pays peut se diversifier. Il regorge de potentialités et devrait y remédier sans grandes difficultés», recommande le professeur Chitour.